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de son projet de réforme, nous avait réitéré l’assurance de se concerter avec nous, si ses plans devaient entraîner des conséquences préjudiciables à nos intérêts. Il s’en tenait aussi aux promesses de M. de Goltz, qui nous avait déclaré itérativement et solennellement, après l’ouverture des hostilités, qu’aucun changement territorial ou politique intéressant l’équilibre européen ne pourrait devenir définitif sans une entente avec le gouvernement de l’empereur et avant d’avoir été soumis à une délibération commune des puissances[1]. On pensait donc qu’il serait plus avantageux de s’autoriser de ces promesses, dont on se plaisait à ne pas suspecter la sincérité, pour débattre directement avec la Prusse les questions territoriales qu’entraîneraient les résultats de la guerre, sauf à les faire ratifier ultérieurement par un congrès.

Ce sont ces considérations sans doute qui inspirèrent au cabinet des Tuileries la réponse que M. Drouyn de Lhuys adressait le 7 juillet au cabinet de Saint-Pétersbourg : « La tentative de médiation, disait-il, entre les puissances belligérantes que fait en ce moment l’empereur Napoléon exclut de notre part toute démarche pouvant revêtir un caractère comminatoire, et ne nous permet pas de donner suite, quant à présent, à la proposition du prince Gortchakof[2]. »


VII. — LA QUESTION MILITAIRE.

Du moment qu’oublieuse de ses vieilles traditions, la France était prête à de tels bouleversemens, elle n’avait pas à se préoccuper des défaites et des susceptibilités de l’Italie, ni à s’apitoyer sentimentalement sur les désastres que l’Autriche essuyait en Allemagne. Il ne fallait chercher que l’intérêt français, et cet intérêt, en présence d’événemens qu’on n’avait su ni prévenir ni diriger, ne pouvait plus être défendu utilement que dans un congrès sur le terrain de l’équilibre européen. Il était pénible sans doute de devoir renoncer au rôle d’arbitre souverain qu’on s’était réservé ; mais ce changement de front, qui ne compromettait en rien la cession de la Vénétie, aurait eu l’incontestable avantage de contenir les convoitises prussiennes ; la réorganisation de l’Allemagne se serait faite dans des conditions acceptables pour notre système défensif et sous le contrôle de l’Europe. Il est probable d’ailleurs que la seule menace du congrès, que le cabinet de Berlin voulait éviter à tout prix, l’eût amené spontanément à nous faire des concessions. Malheureusement ce n’étaient pas là les considérations dont s’inspiraient le plus les adversaires du ministre des affaires étrangères.

  1. Dépêche de M. Drouyn de Lhuys à M. Benedetti, 3 juillet 1866.
  2. Dépêche de M. Drouyn de Lhuys au baron de Talleyrand, 7 juillet 1866.