Ce précepte fondamental de bienséance et de savoir-vivre se retrouve dans plus d’un règlement des anciennes académies. Descartes, ajoute Baillet, fit entendre à la reine, en lui présentant ce mémoire, qu’il serait bon de ne pas charger les membres d’assujettissemens trop onéreux, mais d’y faire régner une liberté qui fût honnête et capable d’exciter ou d’entretenir l’ardeur des esprits. Exemption d’assujettissemens trop onéreux, liberté honnête, ce fut aussi, en France, la pensée des fondateurs de l’Académie des sciences et de l’Académie française.
Les divers ouvrages de Descartes, ses lettres, et principalement les deux dernières parties du Discours de la méthode, et mieux encore sans nul doute l’exemple de toute sa vie, nous le montrent non moins préoccupé que Bacon lui-même de la nécessité de faire et de répéter les expériences, de compléter les siennes propres par celles des autres, de faire appel à tous et à la postérité elle-même, « afin que les derniers commençant où les premiers auraient achevé, et ainsi joignant les vies et les travaux de plusieurs, nous allassions tous ensemble beaucoup plus loin que chacun en particulier pourrait le faire. » Non moins soucieux que Bacon ou Leibniz des applications pratiques de la science, il croyait que, « au lieu de cette philosophie spéculative qu’on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique par laquelle, connaissant la force et les actions de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi bien que les métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les ouvrages auxquels ils sont propres et nous en rendre comme maîtres et possesseurs. »
Il arriva même qu’un de ses amis, D’Alibert, plein de confiance dans son génie des applications et des découvertes, voulut lui donner la plus grande partie de sa fortune pour l’employer à des expériences. Descartes, peut-être par fierté de gentilhomme, ne voulut pas accepter; mais il lui donna le conseil, qui de nos jours seulement reçoit une pleine exécution, de fonder des écoles gratuites d’arts et métiers qui seraient ouvertes, pour les adultes, tous les dimanches et jours de fêtes. C’est la guerre civile, dit Baillet, qui en empêcha l’établissement. On voit par là encore combien ce grand génie spéculatif était pénétré de l’importance des associations scientifiques, des expériences et des applications pratiques de la science, quoiqu’il n’en soit pas question dans son mémoire à la reine sur la fondation de l’Académie.
Bacon, plus encore que Descartes, a été le grand précurseur, le promoteur ardent des associations pour la découverte de la vérité, en même temps que le prophète presque inspiré des découvertes, des merveilles de la science et de l’industrie modernes. Dans tous ses ouvrages, et particulièrement dans le De dignitate et augmentis