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toutes les ressources de la diplomatie la plus déliée, avec les plus ingénieuses flatteries, avec l’autorité d’un nom illustre dans toutes les cours d’Allemagne et dans l’Europe tout entière. Mais nous tenons à montrer, par une rapide esquisse de quelques-uns des plans d’association scientifique qu’il soumit à divers souverains, quelle idée, semblable à celle de Bacon, il se faisait de la mission des académies et des ressources sans lesquelles elles ne peuvent l’accomplir. Il ne peut les concevoir pas sans un apparat, suivant ses expressions, du théâtre de l’art et de la nature, qu’elles doivent avoir en abrégé sous les yeux et sous les mains pour les observations et les expériences, pour l’art d’inventer et de faire de grands progrès en peu de temps.

A la séance d’inauguration de l’académie de Berlin, qui, retardée, pour diverses causes, n’eut lieu qu’en 1711, l’évêque Jablonski, vice-président, qui remplaça Leibniz, alors dans une sorte de disgrâce, ouvrit la séance par un discours où il mettait la nouvelle société sous les auspices de Bacon, a C’est, dit-il, l’incomparable chancelier d’Angleterre, Bacon de Vérulam, qui, portant dans l’observation de la nature une pénétration extraordinaire, ouvrit et fraya aux amateurs des sciences une route large, ferme et faite pour les conduire à une exacte et pleine connaissance de l’univers.» Ainsi que Dante a salué Virgile du titre de maître, seigneur et guide, ainsi il n’hésite pas à proclamer Bacon dux et auctor, pieux hommage, dit Bartholmès, qui longtemps encore sera répété dans les sociétés savantes de l’Allemagne.

Nous n’aurons garde de ne pas mentionner dans le discours du savant évêque un vœu tout à fait conforme à nos vues sur l’association des académies en faveur d’académies universelles, de synodes scientifiques, de conciles littéraires où chaque peuple serait représenté par les plus illustres savans et dont les réunions seraient ou périodiques ou permanentes. « Là, dit l’orateur, toute nation apporterait l’espèce de génie qui lui appartient, le Français sa vivacité, l’Anglais sa subtilité, les Espagnols et les Italiens leur ardeur, et nous autres Allemands notre patiente application. Y a-t-il sorte d’avantage qu’on ne pût espérer d’une entreprise où tant d’yeux et tant de mains, où tant d’esprits réuniraient leurs plus nobles efforts? »

La tendance aux applications et à l’utilité pratique, voilà surtout la marque de l’esprit de Bacon, qu’on retrouve dans le règlement donné par Leibniz à l’académie de Berlin, comme dans tous les autres plans d’académie dont il est l’auteur. Il veut que, dès le principe, l’académie de Berlin vise à une application avantageuse des sciences et à des résultats pratiques en vue du bien public et des commodités de la vie. S’il ne proscrit pas, pour nous servir