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saint Thomas qui était le patron de l’académie et auxquelles on jugea à propos de substituer la châsse de ses reliques[1]. La dévotion d’Italie prend souvent une forme qui n’est plus de notre goût aujourd’hui. » En 1806, l’ancien Institut ayant été rétabli à Bologne sous le nom d’Institut national d’Italie, il fut de nouveau placé sous les auspices « du grand Anglais, du grand chancelier d’Angleterre, ce soutien de la droite, saine et solide philosophie. »

Si Bacon a été le promoteur des associations scientifiques et des académies dans le monde civilisé, Leibniz, plus heureux que lui, est entré dans cette terre promise que le grand chancelier n’avait fait qu’entrevoir et prédire. Il n’a pas été seulement un précurseur, un promoteur, il a eu la fortune d’être un fondateur. Là même où, malgré tous ses efforts, il ne lui a pas été donné de réussir, il a semé des germes qui ne devaient pas tarder à se développer après lui. Non moins pénétré que Bacon lui-même de la foi aux progrès des sciences, non moins convaincu des avantages qui doivent en résulter pour la vie de l’homme et pour les sociétés, il ne cesse, à son exemple, de recommander les expériences, de prêcher l’union de tous les efforts pour faire des recueils, des tables de tous les phénomènes, des répertoires bien ordonnés de toutes les observations, de toutes les découvertes où il a soin de comprendre les adresses ingénieuses des artisans pour en tirer parti et aller plus avant. « Les connaissances utiles et solides sont, dit-il avec Bacon, le plus grand trésor du genre humain et le véritable héritage que nos ancêtres nous ont laissé, héritage que nous devons faire profiter et augmenter, non-seulement pour le transmettre à nos successeurs en meilleur état que nous ne l’avons reçu, mais bien plus pour en jouir nous-mêmes autant qu’il est possible, pour la perfection de l’esprit, pour la santé du corps et pour les commodités de la vie[2]...

Comme Bacon aussi, Leibniz est un flatteur des princes, tour à tour de Frédéric Ier de Prusse, de l’électeur de Saxe, de l’empereur d’Allemagne, de Pierre le Grand, du prince Eugène, non pas par ambition personnelle ou pour faire fortune, mais, selon une expression dont il aime à se servir, ob pias causas, pour des causes pieuses, c’est-à-dire en faveur du perfectionnement des sciences et pour la fondation de grandes académies à Berlin, à Dresde, à Vienne et à Saint-Pétersbourg. Il a pu fonder celle de Berlin dont il fut nommé le président à vie; mais pour les autres il fut moins heureux et ne réussit qu’à préparer les voies. Nous n’avons pas l’intention de raconter en détail les diverses tentatives en faveur des académies que ne cesse de faire Leibniz auprès des princes et des grands, avec

  1. « Le protecteur était bien choisi, car saint Thomas, dans un autre siècle et dans d’autres circonstances, est un Descartes. » Fontenelle.
  2. Discours touchant la méthode de la certitude. Édit. Erdmann, p. 173.