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faits par l’état pour doter et installer d’une manière plus convenable, dans toute la France, les établissemens d’enseignement supérieur. Mais l’Institut n’est-il donc pas comme le couronnement de l’enseignement supérieur? N’est-il pas avec lui en un rapport intime, constant et pour ainsi dire immédiat? Rien ne se fait à l’Institut qui n’ait un prompt retentissement dans les chaires de l’enseignement supérieur et ne serve à les alimenter.

Sans élever nos demandes ou même nos désirs à la hauteur de la parfaite académie rêvée par Bacon, nous voudrions cependant qu’il nous fût donné d’en approcher davantage; nous voudrions qu’au lieu de chercher à diminuer l’autorité et l’influence de l’Institut, dans son domaine purement scientifique, on eût partout la bonne et sincère volonté de les étendre et de les agrandir pour le plus grand bien des sciences et des lettres, qui, toutes les rivalités mises à part, devrait l’emporter de beaucoup sur la crainte de diminuer l’importance de telle ou telle division ou même de telle ou telle direction d’un ministère quelconque.

Si, conformément à notre désir, on plaçait sous le patronage de l’Institut, comme le voulait Humphry Davy pour la Société de Londres, toutes les institutions scientifiques ou littéraires qui naturellement en dépendent; si, au lieu d’éparpiller entre différentes mains, plus ou moins autorisées, les fonds d’encouragement pour les sciences et les lettres, on les concentrait entre les siennes; si enfin, au lieu de travailler à en détacher les académies de province, on les laissait se tourner vers lui, comme vers leur centre naturel, suivant le plan que nous avons exposé, nous serions encore bien loin sans doute d’avoir réalisé les vues de Bacon et de Leibniz sur une parfaite académie, mais du moins le premier corps savant de France serait-il un peu moins dépourvu de l’autorité, de l’influence, des ressources, des moyens d’action que réclame l’accomplissement de sa grande mission.

Mettons encore une fois, en terminant, ce vœu d’une plus grande largesse envers les sciences et les académies sous le patronage des philosophes dont nous avons invoqué l’autorité. Selon Bacon, les dépenses pour les sciences sont des œuvres vraiment royales, opera vere basilica. Selon Descartes, « les inventions des sciences sont d’un si haut prix qu’elles ne peuvent être payées ce qu’elles valent avec de l’argent. » Selon Leibniz, « la moindre des découvertes acquiert un prix infini par cela seul qu’elles sont de toutes les nations et de tous les pays. » Disons enfin avec Réaumur, dans un remarquable rapport sur l’insuffisance du fonds des expériences : « L’Académie ne serait peut-être pas un an ou deux à dédommager le royaume. Une seule découverte suffirait. »


FRANCISQUE BOUILLIER.