Nous prenons bien souvent pour la fin du monde ce qui n’est tout juste que la fin de nos idées : un grand ordre de choses devenu cher à nos intérêts et à nos habitudes a beau s’engouffrer à telle date néfaste dans une catastrophe terrible, la nature n’en reprend pas moins sa tâche de tous les jours, et l’humanité poursuit sa course impétueuse à travers les décombres : volve sua spera e beata si gode... Cette mortifiante expérience ne fut point épargnée non plus à la génération éplorée qui vit tomber Constantinople aux mains de l’Osmanli. Une revanche si humiliante de l’islamisme sur la vraie foi, au cœur même de l’Europe, dans la ville même des Césars, une conclusion aussi lamentable donnée à l’œuvre trois fois séculaire et glorieuse des croisades avait de quoi dérouter les esprits et désespérer les âmes. Bien des gens crurent alors à la consommation des siècles et à la venue de l’Antéchrist, et personne assurément n’eût admis, sous le coup de cet affreux désastre, qu’entre les princes de la chrétienté et le sultan il pût y avoir jamais de rapports autres que ceux d’une hostilité permanente, qu’entre la croix et le croissant la guerre ne fût devenue désormais inexpiable. Il n’en fut rien cependant; les efforts des papes Nicolas V, Calixte III, enfin de Pie II, pour amener les diverses puissances à une action commune contre le Turc échouèrent misérablement devant les rivalités et les convoitises des coalisés, et bientôt le malheureux pontife ne vit plus d’autre solution aux affaires d’Orient, — res orientales, comme on disait alors déjà, — qu’une étrange invitation au
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Apparence
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LES ÉVOLUTIONS
DU
PROBLÈME ORIENTAL
I.
LES PUISSANCES CATHOLIQUES.