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après une scène violente, tombe assassiné traîtreusement par le jeune homme, qui prend aussitôt la fuite et va chercher refuge auprès d’une bande de partisans qui tient la campagne dans les environs.

Le jeune Kadzuma, fils de la victime, intéresse son prince à sa vengeance ; les rebelles osent braver le daïmio ; la guerre, une guerre sans merci, est sur le point d’éclater, quand le gouvernement inquiet imagine un moyen de faire cesser le combat en supprimant les combattans. Un des conseillers dépêche auprès du daïmio courroucé un vieux médecin comblé jadis de bienfaits par le shogun et à sa dévotion. Tsusen se rend en effet auprès du prince malade, lui présente un remède, et, suivant la coutume imposée aux médecins des princes japonais, en boit d’abord la moitié. Le prince, rassuré par cette épreuve que n’affronteraient pas partout les princes de la science, absorbe le poison sans défiance et meurt bientôt, tandis que Tsusen, agonisant, se fait emporter en hâte dans sa litière. Kadzuma, privé de son appui, ne se fie plus qu’à lui-même du soin de venger son père. Son beau-frère et deux aventuriers de bonne volonté se joignent à lui, et tous quatre se mettent à la recherche du coupable, que protège une escorte de trente-six fidèles. Ils réussissent à l’atteindre après mille péripéties et n’ont d’autre souci que d’empêcher les trente-six adversaires de leur échapper. Au moment où la lutte va s’engager, un ancien ami de la famille de Kadzuma, ayant appris qu’il était en train de vider une affaire, vient, par pur amour des grands coups d’épée, mettre son bras au service de la bonne cause, et les cinq preux, après une lutte homérique où ils laissent sur le carreau deux des leurs, étendent morts leur ennemi et ses séides. Ils coupent la tête de Matagoro, et Kadzuma va la déposer pieusement sur la tombe de son père.

A défaut d’un intérêt très vif et d’une ordonnance très heureuse dans le récit, ce roman de chevalerie offre un tableau sincère des mœurs violentes et des sentimens effrénés du temps. On y voit en pleine lumière les passions ardentes, le point d’honneur exalté, le mépris de la mort et l’amour des aventures qui animaient les hommes de la classe guerrière, la fidélité à leur seigneur, à leur maître, à leur patron, qui les guidait à travers mille dangers.

L’histoire des amours de Gompachi et Komurasaki, empruntée au genre des ninjo-bon ou romans d’amour, nous ramènera vers des scènes plus touchantes. Il y a environ deux cent quarante ans vivait, au service du daïmio d’Inaban, un nommé Gompachi, qui dès l’âge de seize ans était d’une beauté et d’une force extraordinaires. A la suite d’une querelle futile, il tua un de ses compagnons et dut s’enfuir à Yédo. Il entra au cours de son voyage dans une maison qu’il prit pour