en arrivant dans une forêt enchantée, ils sont attirés par une yasschini, qui a coutume de changer les hommes en bêtes pour les rôtir et les manger. C’est en jouant de la flûte qu’elle opère ses incantations ; déjà les quatre pèlerins ont pris des formes d’animaux immondes quand le jeune homme s’empare de la flûte, la brise et récite la phrase magique qui réduit à merci l’enchanteresse désarmée. Il est aisé de reconnaître ici la fable de Circé. Mais comme chaque race, en répétant cette même fable, l’a appropriée à son tempérament! Dans l’Odyssée, la magicienne ne fait pas rôtir et ne dévore pas les pourceaux victimes de ses enchantemens. Le génie grec la peint comme une belle créature qui fait le mal sans intérêt positif, pour accomplir une destinée, jusqu’au jour où paraît l’homme qui doit la dompter et relâcher ses prisonniers. Il y a plus de réalisme dans le mythe japonais. Les images qui se présentent à l’esprit de ce peuple séduisent moins par leur charme qu’elles n’étonnent par leur bizarrerie. Tandis que le paganisme antique peuple le sol et l’histoire de légendes gracieuses ou terribles, mais toujours poétiques, de tragédies toujours humaines traversées par des passions vraies et par un souffle généreux, la mythologie du Japon nous introduit dans un monde trop baroque pour être divin, qui n’a de la fable que l’invraisemblance, sans en avoir le sens profond et la forme enchanteresse.
Nulle recherche ne serait plus attachante que celle de la filiation de certaines légendes européennes, à travers les siècles et les espaces, jusqu’aux confins de l’Asie. Rien de plus curieux que d’appliquer à de nouveaux documens les procédés de critique et d’investigation inaugurés il y a quarante ans par les frères Grimm. Les découvertes de ce genre sont d’autant plus surprenantes en ce qui touche le Japon, qu’il n’a jamais cessé, depuis des temps très reculés, d’être isolé ou en communication avec la Chine seulement, et que, pour trouver un réservoir commun avec l’Europe, il faudrait plonger dans les ténèbres des époques préhistoriques. Sans vouloir embrasser dans les limites de ce travail un sujet aussi complexe, nous ne pouvons nous empêcher de signaler des rapprochemens curieux indiqués par le docteur Goodwin dans une communication à la Société asiatique du Japon.
Dans le conte irlandais dont il a retrouvé la parenté asiatique, un bon petit bossu, Lusmore, unissant sa voix à un concert de péris, les séduit si bien par le charme de son organe qu’elles lui font fête et le débarrassent de sa bosse. Son voisin envieux et méchant, bossu comme lui, va aussi mêler sa voix au concert des fées dans l’espoir d’une semblable guérison, mais, indignées de son vilain cri rauque, elles le chassent en lui appliquant par devant la bosse de Lusmore