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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/827

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caisses de cigares ; le Quebracho, propre au charronnage, et dont le bois réduit en sciure sert au tannage des peaux ; enfin l’acajou qui, de tous, est le plus connu en Europe. Le meilleur acajou vient de Saint-Domingue, mais le prix élevé de celui-ci n’en permet pas l’emploi autrement que comme placage ; celui du Honduras et de la Guyane est de moins belle qualité, mais il est plus léger, plus tenace, de plus grandes dimensions que le premier, et plus apte par conséquent à être employé dans les constructions navales, car le prix n’en est pas beaucoup plus élevé que celui du chêne. Un grand nombre d’arbres de la Guyane donnent aussi des produits spéciaux susceptibles d’être utilisés dans l’industrie et la médecine ; les uns, comme le bois de campêche, le bois de Brésil, l’indigo, fournissent des matières tinctoriales ; d’autres sécrètent des gommes et des résines, comme le caoutchouc, la gutta-percha, le baume de Tolu. Tous ces arbres précieux sont depuis fort longtemps entrés dans le commerce et il en est un certain nombre qu’on trouve aujourd’hui quelque difficulté à se procurer. Les forêts accessibles sont exploitées et il faut pénétrer dans l’intérieur pour alimenter la consommation. Le gouvernement anglais paraît s’être préoccupé de cette situation et il a pris, paraît-il, quelques mesures pour empêcher les exploitations abusives ; mais il est douteux que ces mesures soient efficaces et qu’une surveillance quelconque puisse s’exercer dans ces solitudes où l’homme civilisé ose à peine s’aventurer.

Le Brésil, exposé aux vents humides de l’Atlantique, reçoit sur la côte sud-est les pluies dont la chaîne de la serra do Mar provoque la condensation. Toute cette partie est couverte d’une immense forêt dont la végétation ne se ralentit jamais. Dans l’intérieur, un plateau de 650 mètres de hauteur s’incline dans la direction du sud jusque vers le bassin de la Plata. Ce plateau, interrompu par les excavations de l’Amazone, du Madeira et du Paraguay, ne reçoit de pluies que pendant la courte période zénithale ; aussi est-il couvert de savanes appelées campos, partout où le sol n’est pas abreuvé par une eau courante. Lorsqu’il en est ainsi, les forêts reparaissent avec leur végétation désordonnée. Ces forêts n’ont pas l’aspect grandiose qu’on s’imagine, car si les détails sont merveilleux, l’ensemble manque d’harmonie et d’horizon ; toutes ces plantes parasites, ces épiphytes qui végètent sur les troncs déjà morts, ces lianes qui courent d’un arbre à l’autre, empêchent de voir es cimes, obscurcissent la lumière, arrêtent la circulation de l’air et vous entourent d’une atmosphère accablante imprégnée d’une forte odeur de pourriture qui serre le cœur. Ces forêts sont peuplées des arbres si nombreux que produit la région équatoriale, que nous avons déjà