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s’étend dans les profondeurs du continent en couvrant d’une multitude d’essences diverses les plaines, les vallées et les montagnes. La plupart de ces essences sont encore inconnues, car les arbres sont si élevés, les cimes si difficiles à distinguer au milieu des cimes voisines, leurs troncs tellement couverts de parasites, que le plus souvent on ne peut en constater l’identité qu’en les abattant. C’est là qu’on rencontre la fougère arborescente, l’ortie géante, (urtica gigas), le figuier géant (ficus gigantea), le cedrela australis, et une espèce d’araucaria connu sous le nom de pin de la baie de Moreton (Moreton bay pine) dont les fruits servent de nourriture aux Indiens.

Dans les colonies méridionales qui jouissent d’un climat tempéré, grâce à la chaîne des alpes australiennes qui les protègent contre le souffle brûlant de l’équateur, les essences se rapprochent de celles de nos contrées. Elles ont bien encore un peu le caractère tropical vers le sud-est, où se montrent certains palmiers, mais elles le perdent peu à peu à mesure qu’on s’élève, et l’on rencontre alors les espèces qui nous sont familières, comme le hêtre, le frêne et l’acacia. Sur les montagnes, l’eucalyptus s’élève jusqu’à une altitude de 2,000 mètres, mais, bien avant d’arriver à cette limite, la rigueur de la température en ralentit la croissance. Cet arbre remarquable nous paraît appelé à jouer dans le monde un rôle assez important pour mériter qu’on s’y arrête.

L’eucalyptus, dont les nombreuses variétés ont souvent été prises pour des espèces particulières, appartient à la famille des myrtacées; il a une croissance prodigieuse qui tient à la permanence de ses feuilles. Sèches, rigides, d’un gris bleuâtre, recouvertes d’un épiderme qui les protège contre la sécheresse, celles-ci persistent pendant toute l’année sans être affectées par le renouvellement des saisons. Pourvues de stomates des deux côtés et disposées perpendiculairement aux branches, de façon à être frappées par le soleil sur les deux faces à la fois, elles ont une puissance d’aspiration extraordinaire et font profiter l’arbre de la moindre humidité qui vient humecter le sol. Tant que celui-ci contient de l’eau, elles exercent leurs fonctions physiologiques avec une rare puissance et provoquent cette croissance extraordinaire qui nous étonne; mais que le sol vienne à se dessécher, la végétation s’arrête comme endormie, sans que l’arbre paraisse en souffrir, pour reprendre au moment des pluies, parfois après de longs mois, avec une nouvelle vigueur. On conçoit combien est précieuse une essence qui, s’accommodant des terrains les plus humides, est capable en même temps de résister aux sécheresses les plus prolongées; aussi a-t-on cherché à la propager partout où le climat paraissait pouvoir lui