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tion sans laquelle on retomberait dans les éternelles crises qui conduisent toujours au même dénoûment ; mais s’il fallait une autre raison supérieure et pressante, d’un ordre patriotique et national, cette raison, elle serait dans l’état de l’Europe, dans le mouvement extérieur des choses. Depuis quelque temps en effet, l’Europe semble agitée d’un singulier malaise ; elle n’est pas seulement troublée par toutes ces questions qui touchent à l’Orient, que le congrès de Berlin a peut-être compliquées encore plus qu’il ne les a résolues ; elle n’est pas seulement inquiète de cette paix qui n’est qu’un mot, qui n’est réelle ni dans les provinces ottomanes où les Russes sont toujours, ni en Bosnie où les Autrichiens sont réduits à déployer toutes leurs forces militaires, ni en Asie où les Anglais semblent disposés à envahir l’Afghanistan, au risque de rallumer une autre guerre d’Orient. En dehors même de ces questions d’un ordre général, il y a d’autres faits, d’autres symptômes assez significatifs. Il est certain que depuis quelque temps en Europe, dans de grands pays, il s’élève un souffle de réaction à la suite d’une traînée d’incidens révolutionnaires. En Russie le gouvernement est occupé à concentrer ses moyens de répression sous prétexte de poursuivre le nihilisme. En Autriche, à Pesth et à Vienne, il y a pour le moment des crises ministérielles qui sont la conséquence des événemens de la Bosnie, mais qui pourraient facilement conduire à des réactions. En Allemagne, à Berlin, le parlement est tout entier à la discussion de la loi contre les propagandes socialistes et révolutionnaires. Le gouvernement finit par triompher de toutes les hésitations comme de toutes les résistances. Il a retrouvé une majorité, il enlève à la loi article par article ; il n’a cependant pas réussi sans une intervention nouvelle de M. de Bismarck, qui, avec sa brutalité humoristique, a cru devoir cette fois mettre en scène la France et le gouvernement français. M. de Bismarck s’exagère, nous en sommes convaincus, les relations de la France et de notre gouvernement avec des Allemands au sujet des affaires allemandes ou de nos propres affaires ; mais s’il a parlé ainsi, s’il s’est plu à évoquer le spectre de l’étranger, c’est qu’il y avait quelque intérêt, et dans tous les cas il est clair qu’à l’heure qu’il est, il n’est pas en bonne humeur de libéralisme. Jusqu’à quel point cela ira-t-il ? Ce n’est pas à coup sur le moment de se livrer en France à des fantaisies révolutionnaires ou à des expériences nouvelles.

Ainsi marche le monde d’aujourd’hui, et au milieu de tout ce mouvement des choses, les hommes qui ont grandi avec le siècle disparaissent de la scène. M. l’évêque d’Orléans vient à son tour de mourir en Dauphiné, où il aimait à aller se reposer, comme il aimait à aller presque tous les automnes reprendre des forces dans son pays natal de Savoie. Mgr  Dupanloup touchait à sa soixante-dix-septième année. Il était depuis trente ans évêque d’Orléans. Il a été mêlé à toutes les luttes