Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/962

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un jour le réseau méridional de ses chemins de fer de manière à déboucher dans le golfe Persique, et de se donner ainsi un port sur l’Océan. Comme Ta dit, il y a vingt ans, une haute autorité militaire de l’Autriche, le feld-maréchal baron Kuhn de Kuhnenfeld, « la Russie n’arrivera pas au littoral du golfe Persique d’une traite, ou par une seule campagne; mais, profitant de complications continentales et guettant les momens où l’attention et l’énergie des puissances européennes seront absorbées par des querelles qui les toucheront de plus près, elle s’efforcera d’atteindre le golfe à petites journées, en s’annexant des parcelles du territoire arménien... Quelle que soit l’importance du canal de Suez pour le commerce de l’Europe, cette voie n’a qu’une valeur secondaire à côté du chemin de fer de l’Euphrate, qui fournit le seul moyen d’arrêter les progrès de la Russie dans l’Asie centrale, et qui d’ailleurs couvre directement le canal de Suez. « Il est certain que, si ce chemin de fer eût été déjà construit, la guerre d’Orient aurait eu des résultats bien différens de ceux qui ont été consacrés par les derniers traités.

Il y a quelques années, l’Angleterre semblait avoir renoncé provisoirement à toute entreprise qui aurait eu pour objet la création d’une route continentale vers ses possessions asiatiques; l’achat d’une partie des actions du canal de Suez par le gouvernement britannique paraissait confirmer sa résolution de se contenter de la voie maritime. D’un autre côté, la route des Indes par la Perse et l’Afghanistan avait et a encore beaucoup de partisans convaincus, qui la jugent d’une exécution plus facile que le chemin de l’Euphrate, surtout s’il s’agit de continuer ce dernier, comme le veut M. Andrew, le long du littoral, depuis Bassora jusqu’à Karrachi, pour le relier directement au chemin de fer de la vallée de l’Indus. Mais les événemens politiques ont changé la face des choses, et les chances de la route de l’Euphrate ont singulièrement augmenté. On en parle comme d’un projet dont l’exécution pourrait commencer demain, si le gouvernement de la reine consentait à garantir l’intérêt des capitaux qui seraient engagés dans l’entreprise. Dans une période de douze années, la longueur du réseau des chemins de fer anglo-indiens s’est accrue en moyenne de 500 kilomètres par an; mais la marche des travaux a été souvent plus rapide; ainsi en 1870, on a pu livrer près de 900 kilomètres à la circulation. D’un autre côté, les Russes ont exécuté en quinze ans 17,000 kilomètres de voies ferrées, soit en moyenne plus de 1,000 kilomètres par an. Il est donc permis de supposer que la construction du chemin de fer de l’Euphrate pourrait être achevée en deux ou trois ans. C’est alors qu’on verrait renaître ces relations intimes que les peuples de la Méditerranée entretenaient avec l’Inde avant la découverte de la route du Cap par les Portugais. L’existence de ces relations est un fait qui ne se comprend pas aussi bien en