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demande l’armée à quelques kilomètres de Vienne, il s’inclina avec bonne grâce devant notre médiation, nous en laissant, au détriment de son amour-propre, tout le bénéfice moral. Il accepta les bases de nos préliminaires. L’Autriche conservait l’intégrité de son territoire moyennant une indemnité de guerre de 75 millions de francs, qu’on pourrait appeler dérisoire en la comparant à celle qui nous fut imposée après nos propres revers. M. de Bismarck se montrait clément à l’égard des états du midi; il s’arrêtait à la ligne du Mein, n’imposant à la Bavière qu’une légère rectification de frontières, et il consentait à la formation d’une union méridionale indépendante. Si au nord la Prusse s’annexait quelques états, sur nos instances elle respectait la Saxe, l’objet de ses vieilles convoitises et, conformément à nos désirs, elle s’engageait à restituer dans les duchés les populations d’origine danoise.

« Je vais, je crois, jouer votre jeu, » avait dit Frédéric II au marquis de Beauvau, l’envoyé de Louis XV, au moment où il allait envahir la Silésie, et il avait ajouté: « Si les as me viennent, nous partagerons. » C’est le langage que M. de Bismarck nous avait tenu à Biarritz et qu’il tenait encore à la veille de Sadowa. Nous avions refusé obstinément et itérativement d’entrer dans son jeu. Il avait engagé la partie seul à ses risques et ses périls. Les as lui étaient venus, et il lui semblait que, n’ayant pas été à la peine, il n’y avait pas lieu de nous convier au partage des bénéfices. Il ne se considérait pas moins comme un beau joueur, et il croyait nous payer largement le prix d’une neutralité discutable, en subissant notre médiation et en s’offrant à rechercher avec nous les moyens de nous dédommager, partout où il nous conviendrait, — pourvu que cela ne fut pas à ses dépens, — et tant qu’il ne se serait pas mis d’accord avec la Russie.


XII. — LES INSTRUCTIONS DE VICHY RELATIVES A MAYENCE.

Le gouvernement de l’empereur, paralysé par l’exercice de sa médiation, attendait avec impatience le terme des négociations de Nikolsbourg pour régler ses comptes personnels avec le cabinet de Berlin. Il n’avait pas voulu jusque-là, disait-il, compliquer les difficultés d’une œuvre d’ordre européen, en traitant prématurément avec la Prusse la question des compensations territoriales. Mais, les préliminaires de la paix étant signés, rien ne devait plus s’opposer à de franches et, cordiales explications. — Les rôles étaient renversés. Ce n’était plus à M. de Bismarck de s’enquérir du maximum de nos prétentions, son ambition était amplement satisfaite. C’était au gouvernement français de faire appel à l’équité du vainqueur et de débattre avec lui le prix d’une neutralité désormais périmée.