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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/251

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de Saint-Lazare. Je n’en connais pas de plus attristant, et il semble presque impossible à l’imagination qu’après avoir respiré dès leur naissance cette atmosphère du découragement et du vice, ces enfans n’en demeurent pas comme empoisonnés le reste de leur vie.

Le workhouse donne en outre une hospitalité de passage à des enfans de moins de seize ans, orphelins, abandonnés ou entrés avec leurs parens qui attendent que le bureau des gardiens (board of guardians) ait statué sur leur admission définitive. Jusqu’à ce que cette admission soit prononcée et qu’ils puissent être envoyés dans des établissemens spéciaux dont je parlerai tout à l’heure, on les maintient provisoirement, après leur avoir fait prendre un bain, qui n’est pas inutile, dans une salle de réception appelée receiving ward. Cette salle, dans beaucoup de workhouses, leur est malheureusement commune avec les adultes. Bien que ce séjour ne soit que de courte durée, je n’ai jamais vu un enfant ainsi laissé seul avec un ou deux vagabonds ou vieillards en guenilles sans en ressentir une impression pénible que je n’ai pas essayé de dissimuler au maître du workhouse. La séparation de ces enfans d’avec les adultes serait une amélioration facile à introduire et qui tôt ou tard frappera, j’en suis assuré, la sollicitude des administrations paroissiales.

Quel genre d’existence ont généralement menée ces enfans, qui n’ont point été admis au workhouse dans leur bas âge et à l’éducation desquels il faut pourvoir? Je crois intéressant pour mes lecteurs de leur en donner une idée en traduisant ce court et triste fragment où un ancien élève d’un workhouse de Londres raconte ses premières années :

« Autant que je puis croire, mon père était un Écossais. Nous vivions à Woolwich dans une étroite petite rue formée d’un côté par une rangée de petites maisons et de l’autre par le mur de l’arsenal. Je dis nous, parce que mon père, ma mère, moi-même, ma sœur, mon grand-père, ma grand’mère et mes deux oncles, nous occupions tous une même chambre au rez-de-chaussée. Ma famille entière était adonnée à la boisson; je buvais moi-même autant qu’il est possible de boire à cet âge, et lorsque parfois, fatigué de la boisson, je jetais par derrière le contenu d’un pot après avoir feint de le porter à mes lèvres, c’étaient de la part de mon père des juremens et des mauvais traitemens. Aussi me sauvai-je une fois de la maison paternelle, et je fus recueilli par des femmes qui vivaient dans une maison voisine de la nôtre. Je n’ai pas besoin de dire ce qu’étaient ces femmes, mais elles furent très bonnes pour moi, et, après avoir vécu quelque temps en faisant leurs commissions, je ne consentis à rentrer chez mon père qu’à la condition qu’il