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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/250

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paroisse adopte pour éviter que la mère elle-même ne retombe à la charge de la paroisse avec ses autres enfans. Il y a enfin, comme en France, la catégorie des enfans abandonnés (deserted), mais avec une différence sensible dans la législation des deux pays. En Angleterre, l’abandon est un fait, ce n’est pas un droit. L’enfant abandonné est celui qui a été trouvé en bas âge sur la voie publique, ou plus tard errant dans les rues, sans que personne le réclame; mais la législation n’admet pas que la mère amène au workhouse son enfant, naturel ou légitime, et le laisse à la charge de la charité publique en demeurant libre elle-même. En un mot, l’Angleterre n’a jamais connu le tour, et n’admet pas l’abandon à bureau ouvert qui, en France, remplace le tour, sans que cette différence paraisse exercer d’influence sur le nombre des infanticides. Il n’y a eu en effet en 1875 que cent quarante poursuites dirigées en Angleterre contre des femmes pour meurtre ou dissimulation de la naissance d’un enfant (crime derrière lequel se cache souvent l’infanticide), tandis qu’en France nous avons eu deux cent trois poursuites pour infanticide proprement dit, ce qui, par rapport à la population des deux pays, donne une proportion à peu près égale. C’est là, soit dit en passant, un argument qu’ont le droit d’invoquer ceux qui combattent le rétablissement des tours comme moyen de prévenir les infanticides.

Enfans dont les parens sont entrés au workhouse, enfans orphelins, enfans abandonnés, telles sont les trois catégories d’enfans qui reçoivent en Angleterre l’in-door relief. Tant qu’ils sont considérés comme infants, c’est-à-dire jusqu’aux environs de deux ans, leur asile c’est le workhouse, où ils sont confiés aux soins de femmes qui sont généralement elles-mêmes des pensionnaires du workhouse, sous la surveillance de la matrone ou d’une de ses assistantes. Théoriquement, ce système peut paraître assez défectueux; mais en fait je ne crois pas qu’il présente d’inconvéniens sérieux, et il est toujours facile à une matrone intelligente de choisir parmi les pensionnaires du workhouse un certain nombre de femmes ayant le goût et l’intelligence des soins à donner aux enfans. Si quelque chose peut consoler ces femmes de la tristesse de leur condition et les relever de la dégradation qu’elles encourent à leurs propres yeux, c’est assurément cette association à l’exercice de la charité, dont elles s’acquittent avec joie. Quant aux femmes qui sont entrées au workhouse avec leur enfant en bas âge ou qui y sont demeurées après leur délivrance, on leur laisse au début le soin de leurs enfans, et il y a dans chaque workhouse des salles appelées lying in rooms dont l’aspect rappelle beaucoup moins nos salles de maternité que la salle dite des nourrices de la prison