Parler de Claude Bernard est une tâche émouvante et difficile. La mort grandit singulièrement certaines figures, en montrant tout à coup quelle place elles viennent occuper parmi ceux, qui sont l’honneur de l’esprit humain. L’œuvre de Claude Bernard est telle qu’elle évoque, dans la pensée de tous, les noms de Harvey et de Lavoisier. Ce physiologiste qui, hier encore, travaillait pour nous et devant nous, compte parmi ces grands de la science, parmi ces révélateurs puissans dont l’œuvre souveraine transforme les connaissances et même la pensée scientifique de leur temps.
L’œuvre de Claude Bernard est immense, et les difficultés sont réelles de ramasser en un seul tableau une si longue suite de tra- vaux de premier ordre. Le nom de Harvey se rapporte tout entier à la découverte de la circulation du sang; celui de Lavoisier à la détermination de la production de la chaleur animale par les combustions respiratoires, ou mieux, par les oxydations lentes de toute la matière organisée. Mais le nom de Claude Bernard, peut-on le rattacher à une œuvre unique, si glorieuse soit-elle? Le rattachera-t-on à la découverte si féconde et si inattendue de la glycogénie animale, ou à celle de l’innervation vaso-motrice, qui a transformé la circulation, telle qu’on la comprenait depuis Harvey, ou à ses travaux sur les grandes sécrétions de l’organisme, sur les fermens et les diastases mêlés à ces sécrétions, et dont l’action silencieuse et continue prépare ou effectue le travail fondamental de la vie; ou encore à ses travaux si saisissans d’originalité sur les poisons; ou à ses vues si assurées sur la méthode expérimentale, sur les nécessités du déterminisme pour tous les actes vitaux, sur les certitudes de la physiologie adonnée à la poursuite des conditions phénoménales des fonctions organiques; ou enfin à ses belles recherches de