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a touché à un nombre infini d’idées. Parmi celles-ci, et pour mettre quelque ordre dans cette étude, il faut distinguer celles qui tiennent encore à l’ordre expérimentai et traduisent les caractères généraux de la vie tels que l’expérience les dévoile, et celles qui dépassent cet ordre et livrent ces notions suprêmes que l’expérience ne saurait fournir à elle seule, dernières révélations auxquelles est conduit le physiologiste qui sait penser et généraliser. Occupons-nous des premières et exposons les caractères expérimentaux et généraux de la vie, tels que les a conçus Claude Bernard.

« La physiologie générale, dit-il, doit fournir la connaissance des conditions générales de la vie qui sont communes à l’universalité des êtres vivans. » Les végétaux vivent tout comme les animaux ; il y a donc des conditions et des formes de la vie communes aux uns et aux autres. Ces conditions fournissent les caractères essentiels de la vie ; et, en les déterminant, Claude Bernard efface les séparations trop absolues, établies entre les deux règnes vivans. C’est l’une de ses pensées, dominantes que le végétal et l’animal ont la même base vivante ; si l’un obtient de plus riches développemens vitaux, cependant les mêmes fonctions primordiales les animent, ici supportant la vie simplifiée du végétal, là la vie compliquée de l’animal. Rien de fondamentalement nouveau n’apparaît chez ce dernier.

Claude Bernard distingue trois formes de la vie : la vie latente, vie non manifestée ; la vie oscillante, vie à manifestations variables et dépendantes du milieu extérieur; la vie constante, vie à manifestations libres et indépendantes du milieu extérieur.

La vie latente est offerte par les êtres dont l’organisme est tombé dans un état d’indifférence chimique. Ce sont des êtres qui ne vivent que virtuellement, sans manifester aucun des caractères de la vie. La vie active, si atténuée qu’elle soit, est caractérisée par des relations d’échange entre l’être vivant et le milieu. Dans la vie latente, ces échanges sont supprimés ; il y a rupture des relations entre l’être et le milieu, qui restent en face l’un de l’autre inaltérables et inaltérés. Ces êtres se rencontrent à la fois dans les deux règnes. La graine du végétal est un exemple vulgaire de vie latente. Dans le règne animal, un grand nombre d’êtres sont susceptibles de tomber par la dessiccation en état de vie latente. Tels sont les rotifères, les tardigrades et les anguillules du blé niellé. Beaucoup d’infusoires sont dans le même cas, les kolpodes entre autres, alors qu’ils s’enkystent et qu’on les fait dessécher sur des lames de verre : on peut les conserver indéfiniment en cet état ; ils reviennent à la vie, comme tous les animaux à vie latente par dessiccation, dès qu’on leur rend l’humidité. Ces exemples presque fameux sont loin d’être les seuls. On peut le dire, la vie latente est répandue à profusion