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avait épousé le fils de la marquise de Verneuil et du roi Henri IV; or la marquise de Verneuil, belle-mère de la duchesse, était la fille légitime de cette Marie Touchet qui, après avoir donné le jour au duc d’Angoulême, fils de Charles IX, s’était mariée à un gentilhomme de la cour, François de Balzac d’Entraigues, gouverneur d’Orléans. Le duc d’Angoulême et la marquise de Verneuil étaient donc deux enfans de la même mère, l’un naturel, l’autre légitime, en sorte que la duchesse d’Angoulême, d’après les liens du sang, était belle-sœur de la marquise de Verneuil et tante de la duchesse, sa bru. Saint-Simon a raconté comment cette bru, la duchesse de Verneuil, fille du chancelier Séguier, fut élevée un jour au rang de princesse du sang, par cela seul qu’elle avait épousé un bâtard d’Henri IV[1]. Voilà pourquoi la duchesse d’Angoulême, dont la bâtardise ne se rattachait qu’à un Valois, « ne participa, dit Saint-Simon, à aucun des nouveaux honneurs, comme la duchesse de Verneuil. »

On comprend sans peine pourquoi d’aussi étranges détails ont trouvé place dans notre récit. Nous avions besoin de marquer d’une façon précise la situation de la protectrice de Boursault. L’aimable poète lui donne toujours le titre d’altesse. La duchesse d’Angoulême n’était pas devenue princesse du sang, elle n’avait aucun droit au titre d’altesse royale; mais elle commandait le respect par sa dignité naturelle comme elle gagnait les cœurs par sa bonté. On le vit bien aux heures de détresse, quand le roi lui retira le secours dont elle vivait. Avez-vous remarqué les termes employés par Saint-Simon, lorsqu’il rend témoignage à la haute vertu de la duchesse? Vertu sans tache ne suffit pas, il ajoute vertu sans ride. Cela ne veut-il pas dire que cette personne, si digne, si réservée, a toujours gardé quelque chose déjeune et de souriant? La majesté chez elle n’excluait pas la finesse, ni l’austérité la bonne grâce. Je ne m’étonne plus dès lors que les gentillesses, les gaîtés, les gauloiseries même de Boursault, loin de la scandaliser, l’aient divertie. C’est sous son patronage que Boursault a commencé d’être le gazetier des compagnies illustres, un gazetier dont raffolaient les plus nobles seigneurs, le grand Condé, la grande Mademoiselle, le duc-évêque de Langres et nombre de personnages éminens, conseillers d’état et magistrats de haut bord, qui se disputaient l’honneur de recevoir de lui des paquets de nouvelles rédigées en prose et en vers. Boursault était bien jeune encore, il n’avait guère que vingt-deux ou vingt-trois ans, lorsque, chargé par la duchesse d’Angoulême d’une affaire qui l’obligea de se rendre à Sens, il lui écrivit le

  1. Mémoires de Saint-Simon, t. I, chap. Il et t. III, chap. VII.