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pensant « qu’il serait ravi de voir entrer sa fille dans une maison si considérable que la sienne, » mais le père, comme la jeune fille, reste fidèle à Poliante et à la parole donnée, le prince est éconduit, c’est Poliante qui épouse Artémise.

Est-ce tout? Pas encore. Après le romain des jeunes amours voici le roman du mariage, La guerre de 1667 vient d’éclater. Louis XIV passe la revue de ses années dans les plaines d’Arras. Poliante, du sang dont il est, ne peut manquer à ce rendez-vous de la noblesse de France ; comme tous les gentilshommes de son âge, il est allé prendre sa place dans le bataillon des volontaires. La Flandre est envahie et la campagne s’ouvre par le siège de Tournay. Poliante s’y distingue au premier rang ; mais quels sont donc ces deux cavaliers qui le suivent partout, la visière basse, et qui accourent à ses côtés dès qu’un danger le menace? Un jour, devant les murs de Courtray, au milieu de la canonnade, il a son cheval tué sous lui, et pendant qu’il cherche vainement à se débarrasser de ses arçons, des ennemis se précipitent pour le saisir; aussitôt le cavalier à la visière baissée arrive bride abattue, et, renversant d’un coup de feu le premier des assaillans, il met les autres en fuite. Devant Douai, devant Lille, mêmes aventures, mêmes prouesses des deux sauveurs, de l’un d’eux surtout, apparaissant toujours à point nommé pour protéger la vie du jeune gentilhomme et se replongeant dans la mêlée. Au siège de Lille, à l’assaut d’une demi-lune, les échelles ayant été plantées contre les remparts, Poliante est un des premiers à l’escalade. Le soldat mystérieux montait immédiatement après lui, quand une pierre énorme lancée du haut de la muraille le renverse parmi les morts qui jonchaient le fossé. Cette fois, c’est à Poliante de courir au secours de l’inconnu. Sans s’inquiéter de son propre péril, il descend de l’échelle en toute hâte, saute dans le fossé, se penche vers ce dévoué compagnon d’armes et lui ôte son casque. Grand Dieu ! c’est Artémise. Par bonheur elle n’est qu’étourdie du coup qu’elle a reçu, tant son armure est d’une trempe solide ; et tout est bien qui finit bien. Voilà un épisode du siège de Lille. Cette illustre matière, dit Boursault, appartient à l’histoire du plus grand monarque de l’Europe. « Ma plume n’étant pas assez fameuse pour l’entreprendre, je me contente d’en avoir détaché celle que je donne au public, où, malgré tout ce qu’il y a de surprenant, je n’ai rien mis qui ne soit aussi véritable que les victoires qui doivent éterniser l’année 1667.»

Le Marquis de Chavigny, s’il faut en croire l’auteur, est encore une nouvelle historique, et une nouvelle qui se rapporte, comme Artémise et Poliante, à des événemens contemporains. C’est l’histoire d’une femme, d’une veuve, victime d’un horrible forfait, et qui obtient du marquis de Chavigny la punition du coupable. La scène se passe à Candie ; le marquis de Chavigny, grand seigneur