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LA RELIGION DANS ARISTOPHANE.

la manière dont s’ouvre l’assemblée. C’est une parodie mesurée des usages du Pnyx, adaptée aux Thesmophories sans aucun trait irrévérencieux pour les déesses. Une femme, remplissant le rôle de héraut, donne le signal des invocations préliminaires dans un langage qui rappelle les formes usitées pour les assemblées du peuple : « Silence, gardez un silence religieux ! Priez les déesses Thesmophores, Déméter et Coré, et Plutus, et Calligénie, et la Terre, nourricière des jeunes gens, et Hermès, et les Grâces, que cette assemblée, que la réunion présente soit pour le mieux, qu’elle profite à la cité des Athéniens et qu’elle soit heureuse pour nous-mêmes… Io Péan ! Io Péan ! joie pour nous ! » Et, quand les prières sont terminées : « Que chacun écoute. Il a été décidé par le sénat des femmes, — président Démocléia, greffier Lysilla, orateur Sostraté, — qu’une assemblée se tiendrait dès le matin, le jour du milieu des Thesmophories, celui où nous avons le plus de loisir, et que l’on délibérerait d’abord au sujet d’Euripide… Qui veut prendre la parole ? — Moi, dit une femme. — Commence par ceindre cette couronne. »

Les déesses Thesmophores président naturellement à l’action qui se passe dans leur temple. De même qu’elles sont nommées les premières quand s’ouvre l’assemblée, les derniers mots de la pièce, ceux que le chœur prononce en quittant la scène, sont un appel à leur bienveillance. Et lorsque les parodies littéraires sont terminées, avant la bouffonnerie finale qui fournit le dénoûment, elles sont invoquées avec Pallas dans un petit hymne qui, surtout en s’adressant à elles, s’élève au ton de la ferveur religieuse : « Venez, bienveillantes et propices, ô déesses augustes, venez dans votre sainte demeure, où il n’est pas permis aux hommes de contempler vos divins mystères, où à la clarté des torches resplendissent vos faces immortelles. Venez, ô venez, nous vous en prions, Thesmophores très vénérables. Si jamais auparavant vous êtes venues combler les vœux de vos adoratrices, venez maintenant parmi nous qui vous en supplions. » On peut dire qu’elles marquent ainsi les divisions ou les momens principaux du drame. Cependant il faut ajouter qu’elles le laissent se développer bien librement. Leur nom, une fois prononcé par la femme-héraut, ne reparaît plus ni dans les prières que le chœur fait entendre immédiatement après, ni plus tard dans les élégantes et curieuses litanies qu’il chante en dansant pendant qu’on attache Mnésiloque au poteau.

Les prières ressemblent assez aux autres hymnes que nous avons caractérisés dans les comédies d’Aristophane[1] : respectueuses pour

  1. Voyez la Revue du 1er août.