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à supposer qu’il eût été en état de la commettre, ce qui est douteux, tant le secret paraît avoir été bien gardé. Mnésiloque ne répond que par des plaisanteries d’où ne se dégage aucune allusion précise. Il est vrai qu’il n’a rien vu aux précédentes Thesmophories, puisqu’il n’y était pas. Mais, si Aristophane savait lui-même ou voulait dire quelque chose, il n’en aurait pas moins pour le faire une occasion dont les habitudes de la comédie l’autoriseraient à profiter en dépit de la vraisemblance. Dans toute la pièce, on ne trouvait rien qui ne fût de notoriété publique ou qui ne portât la marque évidente de l’invention personnelle du poète.

L’action se passe le jour du jeûne. Le lendemain auront lieu les sacrifices avec les repas et les différentes sortes de danses qui cloront la fête. Les jours précédents les femmes se sont transportées au Thesmophorion d’Halimus, près de la baie de Phalère, et en sont revenues. Le jour du jeûne est donc un jour d’oisiveté relative, du moins au jugement du public, exclu de l’intérieur du temple où il se passe tout entier ; on ne sait ou l’on ne peut dire quel en est l’emploi religieux : c’est pour cela qu’Aristophane l’a choisi ; il est libre de le remplir à sa façon. Il suppose que les femmes, dans le secret du sanctuaire, tiennent une assemblée en règle et délibèrent sur la vengeance à tirer d’Euripide pour tout le mal qu’il a dit d’elles. Cette idée d’une assemblée de femmes, il la reprendra plus tard au point de vue social et en fera la comédie qui porte ce nom. Maintenant, comme il est naturel, il approprie dans la mesure permise sa parodie des assemblées politiques à la fête des Thesmophories.

Ainsi il est question des flambeaux qui illuminent les abords du temple et font resplendir dans l’intérieur les images des déesses, des tentes, dressées sans doute dans le voisinage, où les femmes habitent deux à deux, de l’interdiction qui arrête sur le seuil les femmes esclaves et tous les hommes ; il est question surtout du jeûne imposé par la loi religieuse. Ce dernier point, du droit de la comédie, fournit, avec un ou deux autres, la matière de bouffonneries et de satires. Mnésiloque, interrogé sur ce qui s’est passé dans le temple l’année précédente, répond à tout hasard que les femmes ont commencé par boire. « Quelqu’un te l’a dit ! » s’écrie celle qui l’a questionné. Pour se créer un moyen de défense contre ses ennemies, il s’empare du petit enfant de l’une d’elles en les menaçant de l’égorger : il le démaillotte et trouve une outre de vin, qu’il éventre malgré les supplications de la mère. Voilà comment Aristophane défend ses clientes. Ce sont les plaisanteries habituelles de la comédie antique, à Rome comme à Athènes, sur le goût des femmes pour le vin. Il y a des choses plus délicates, en particulier