Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à quoi elle s’occupe, quel poète elle va inspirer, quelles œuvres elle prépare;... mais c’est l’auteur lui-même qu’il faut entendre. On me pardonnera d’exhumer ces pages disparues, puisque l’histoire littéraire les réclame ; peut-être même trouvera-t-on que les vers de ce dialogue, malgré des faiblesses et des banalités, portent encore çà et là quelques marques du vieux temps.

LA RENOMMÉE.


De quoi dans ces beaux lieux s’entretient Melpomène?
Quel ouvrage nouveau va briller sur la scène?
A quel grave sujet s’occupe son loisir?

MELPOMÈNE.


Ah! déesse, autrefois j’en avais à choisir;
Et ta bruyante voix, illustre Renommée,
A répandre ma gloire était lors animée.
Maintenant, je l’avoue, on ne voit rien de moi
Qui paraisse à mes yeux digne de ton emploi.
Le théâtre français, où mes heureuses veilles
Ont de tant d’auditeurs enchante les oreilles,
Tant de fois étalé des spectacles pompeux
Et de mes nourrissons rendu les noms fameux,
Par sa stérilité me reproche la mienne
Et n’a plus désormais d’appui qui le soutienne.

LA RENOMMÉE.


Eh quoi! sous un héros qui remet les beaux-arts
Dans un éclat plus grand que du temps des Césars,
Sous un roi si puissant, si glorieux, si juste,
Dont la superbe cour ternit celle d’Auguste...


Ici, on le pense bien, se déroulent les longues litanies de l’admiration : sous un roi qui,... sous un roi que,... sous un roi protecteur des muses, qui leur donne asile au Louvre, qui veut les voir régner près de lui, qui tend la main à tous les mérites,

<poem>Est-il quoique talent qui doive être inutile? }}


Courage donc, ô muse ! secoue cette langueur, ranime tes énergies, promets de ma part une gloire impérissable à qui montrera le plus de zèle pour le service du roi et de la France. La muse répond que ce n’est point le zèle qui manque à ses fils. Tout à l’heure, elle semblait se plaindre de l’épuisement des génies. Cela se passe en effet en 1678, à l’heure la plus éclatante du siècle, mais aussi à l’heure où les maîtres du théâtre ont achevé leur moisson de chefs-d’œuvre. Molière est mort. Corneille se survit. Racine vient de quitter le théâtre; où sont leurs successeurs? Telle est, à ce qu’il semble, la plainte de la muse; mais tout à coup, comme si elle entendait une voix mystérieuse lui rappeler tout bas l’immortelle fécondité