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LES EVOLUTIONS
DU
PROLEME ORIENTAL

III.[1]
POLITIQUE ET LIBÉRALISME.

« L’empire des Turcs est à présent à peu près dans le même degré de faiblesse où était autrefois celui des Grecs ; mais il subsistera longtemps, car, si quelque prince que ce fût mettait cet empire en péril en poursuivant ses conquêtes, les trois puissances commerçantes de l’Europe connaissent trop leurs affaires pour n’en pas prendre la défense sur-le-champ. C’est leur félicité que Dieu ait permis qu’il y ait dans le monde des nations propres à posséder inutilement un grand empire… » Ainsi s’exprimait Montesquieu dans le dernier chapitre de ses Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains[2], et rarement historien philosophe a prononcé un mot plus profond, jeté un regard plus pénétrant dans les plis et les replis des temps à venir. Lorsque l’illustre président à mortier traçait ces lignes fatidiques, bien peu de gens assurément parmi ses contemporains avaient la préoccupation ou

  1. Voyez la Revue du 15 octobre et du 1er novembre 1878.
  2. Chap. XXIII. Montesquieu ajoute dans une note, par rapport aux projets de partage de la Turquie qui ont surgi à différentes époques : « Ces projets n’étaient pas sérieux, ou ont été faits par des gens qui ne voyaient pas l’intérêt de l’Europe… »