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REVUE DES DEUX MONDES.

Sous le nouveau régime, l’île de Cypre se trouvera donc, avec l’Égypte, la région de l’Orient où les monumens des civilisations disparues courront le moins de chances contraires, et reparaîtront au jour dans les conditions les plus appréciées des érudits. En ce moment, par suite de l’achat de la collection Cesnola, c’est le Musée métropolitain de New-York qui est le plus riche en objets de provenance cypriote ; mais grâce au privilège, on pourrait presque dire au monopole dont va jouir le Musée britannique sur ce sol acquis par l’Angleterre, cette inégalité ne saurait subsister longtemps. On aura peut-être d’abord plus d’une déception ; comme la chasse du gibier à poil et à plume, celle des antiquités a ses hasards et ses mécomptes ; mais si les premiers explorateurs ont eu la main heureuse, ils n’ont pu cependant épuiser, en quelques années, une terre aussi riche, et des efforts bien dirigés, avec des ressources supérieures à celles des simples particuliers, finiront toujours par être couronnés de succès. Avant dix ans, on n’aura plus besoin de passer l’Atlantique pour étudier l’art cypriote ; Londres, qui en possède déjà de précieux échantillons, aura complété ses séries au moyen d’objets dont la plupart auront un état civil et une histoire.

Au moment où la politique nouvelle de l’Angleterre se trouve ainsi préparer à ses archéologues et à ses érudits des découvertes dont profitera bientôt toute l’Europe savante, l’heure paraîtra peut-être-bien choisie pour esquisser l’histoire de Cypre pendant toute la période antique, ou tout au moins pour définir par quelques traits précis les caractères de la civilisation qui s’est développée dans l’île dès les temps les plus reculés, la nature des influences que cette civilisation a subies et de celles qu’elle a exercées tout autour d’elle, par voie de rayonnement et de transmission. Si, pour bien faire comprendre cette histoire complexe et singulière, on se trouve entraîné à dépasser les limites des temps anciens, il n’y aura point lieu de s’en étonner ; c’est qu’au moyen âge Cypre se trouve jouer à nouveau, entre l’Orient et l’Occident, un rôle tout à fait semblable à celui qu’elle avait déjà rempli bien des siècles auparavant. Ce ne peut être là un hasard ; ces reprises et ces recommencemens ne s’expliquent que par la persistance d’une même cause qui continue, tant que le milieu n’est pas changé profondément, à produire les mêmes effets. Cette cause, cette raison suffisante, ce ne peut être que la situation même de l’île, son climat et ses productions naturelles. Une rapide description géographique, dont les élémens sont épars dans les récits des voyageurs que nous avons consultés, est donc la préface nécessaire de l’essai que nous tentons.