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C’est ainsi qu’on ne laisse plus flotter la réalité physique, physiologique ou psychologique dans cette mystérieuse région des abstractions subtiles ou des trompeuses images dont la fausse clarté favorise toutes les confusions et toutes les illusions. On n’emploie plus les mots d’âme, d’esprit, de matière, de substance, de force, de cause, sans les définir par des caractères empruntés à l’analyse et à l’observation. L’âme n’est plus cette cause solitaire, retirée dans les profondeurs de son essence, étrangère par sa nature et ses attributs aux phénomènes de la vie proprement dite ; c’est l’unité vivante qui rayonne dans tout l’organisme animal et humain, et qu’on ne peut comprendre, observer, étudier que dans son activité vitale. La matière n’est plus une substance inerte, sans forme et sans mouvement, sujet abstrait de toutes les formes qu’elle revêt, incompréhensible substrat des mouvemens qu’une cause distincte et extérieure vient y opérer ; c’est le type des propriétés manifestées par ces phénomènes du mouvement que régissent les lois de la mécanique, de la physique et de la chimie. On ne confond plus les lois et les conditions des phénomènes avec leurs causes proprement dites. On ne mêle plus les images, représentation purement sensible des choses, avec les notions et les idées vraiment scientifiques acquises par l’observation et l’expérience. Enfin, dans la question même qui va nous occuper, aux qualifications de spiritualisme et de matérialisme on substitue celles de vitalisme et de mécanisme, mettant ainsi à la place de mots équivoques des termes qui ne laissent subsister dans la pensée que l’expression pure de la réalité observable.

De cette façon, le problème de l’explication de la vie se trouve simplifié, et peut être posé sous la forme suivante : Les phénomènes de l’activité vitale ne sont-ils pas réductibles aux phénomènes de simple mouvement, dont ils ne différeraient que par un certain degré de complexité due à un ordre de combinaisons spéciales ? Si oui, la question entre le vitalisme et le mécanisme, et par suite entre le spiritualisme et le matérialisme, est définitivement tranchée. C’est dans les enseignemens de la mécanique, de la physique et de la chimie qu’on trouve le principe des phénomènes biologiques et psychologiques. Si non, il faut bien chercher ce principe ailleurs, dans les régions supérieures de la vie et de la pensée, et dans les sciences qui peuvent les aborder. Pour cela, il est nécessaire de renoncer aux spéculations abstraites, aux préjugés traditionnels, à toute espèce d’a priori, de suivre pas à pas les progrès de la science, qui analyse, observe, explique les phénomènes de la vie, d’en accepter tous les résultats acquis, de n’en contester que les conclusions douteuses, de n’en rejeter que les explications