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Et encore ailleurs : « Chaque animal représente une somme d’unités vitales qui portent en elles-mêmes les caractères complets de la vie. » Il est clair que l’unité individuelle ainsi comprise n’a plus rien de commun, non-seulement avec l’individu humain qui dit moi, mais encore avec tout individu organique, plante ou animal. Ce n’est pas l’unité de conscience qu’on se borne à supprimer, c’est l’unité de vie qu’on détruit dans son principe et son idée propre. Nous verrons tout à l’heure l’école mécaniste supprimer la vie elle-même en la réduisant à un mode complexe du mouvement proprement dit.

On voit ce que la physiologie mécaniste fait de l’unité des êtres vivans. Que fera-t-elle de leur spontanéité, organique, instinctive, volontaire ? C’est ce que la théorie des actes réflexes va nous montrer. L’activité nerveuse n’est qu’une transformation de mouvemens préexistans ; l’ordre organique n’est qu’un mode de l’ordre physique ; tout est, de l’un à l’autre, mouvement communiqué et transmis : c’est la loi de la corrélation des forces. Écoutons M. Rouget : « On sait que cette harmonie entre l’action et la réaction est une loi essentielle de ces actions nerveuses dans lesquelles le système nerveux joue le rôle d’un appareil qui reçoit des impressions et les restitue sous forme d’excitation motrice, et en quantité proportionnelle de ce qu’il a reçu comme impression[1]. » Cette explication ne touche encore qu’aux actes réflexes proprement dits, involontaires, inconsciens, purement automatiques. L’interprétation mécaniste de la théorie ne s’arrête pas là. Selon les physiologistes qui ont particulièrement étudié ce phénomène des actions réflexes, la loi de ces actions est celle de toutes les autres, instinctives, conscientes et volontaires, puisque, c’est M. Vulpian qui l’affirme, la volonté elle-même ne peut être qu’une action réflexe d’un genre spécial. « Chaque progrès nouveau de la physiologie du système nerveux, nous dit encore M. Rouget, démembre pièce à pièce le domaine de la volonté une et consciente. Ce ne sont plus seulement quelques mouvemens convulsifs, involontaires et accidentels, qui rentrent dans la théorie des actions réflexes ; les manifestations plus hautes de l’activité vitale ne sont que de pures transformations en actes propres à l’animal et à l’homme des mouvemens de la matière extérieure. Les actes de la pensée elle-même n’échappent point à cette loi ; ils se réduisent, en dernière analyse, à de simples mouvemens provoqués, dans l’organisme cérébral, par les impressions transmises du dehors. » Le langage vulgaire n’exprime-t-il pas quelque chose de conforme à cette explication

  1. Brown-Sequard. Introduction à la Physiologie des actions réflexes, p. 51.