Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/578

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concluantes, les faits eux-mêmes et les lois qui les régissent, telles que la fixité des espèces, la nécessité de la génération du vivant par le vivant. Les plus obstinés partisans de cette philosophie espèrent toujours que l’expérience finira par lui donner raison. Et si les plus sages ne comptent plus sur les révélations de l’expérience en ce qui concerne l’état actuel du règne organique, ils se réfugient, non sans raison, dans les enseignemens modernes de la science sur l’origine du monde dont nous avons le spectacle sous les yeux. Et en effet, quand même la philosophie mécanique ne pourrait jamais trouver la confirmation de ses explications dans le monde organique actuel, régi par des lois invariables et universelles, pourquoi ne pourrait-on pas supposer que les choses ont pu se passer ainsi primitivement, puisqu’on ne peut nier l’apparition postérieure des forces vitales dans le monde des forces physicochimiques ? Et si cette hypothèse est admise, ne conduit-elle pas naturellement à cette autre : qu’il peut bien y avoir, dans la génération actuelle des êtres vivans, un mystère que la science ne pénétrera peut-être jamais, mais qui ne contredit pas absolument l’explication mécanique ? La nature actuelle ne reproduirait plus les mêmes phénomènes, faute de conditions analogues : voilà tout. Et c’est là, avec la simplicité des méthodes d’explication, le principal titre à la faveur croissante de cette philosophie. On convient assez généralement, dans le monde savant, que le succès des recherches géologiques et paléontologiques, ainsi que des expériences chimiques ou physiologiques, ne répond pas aux efforts et aux espérances de l’école qui a l’ambition d’expliquer tous les phénomènes de la vie par la mécanique, la physique et la chimie ; mais on ne renonce point à croire que la science en pourrait vérifier l’explication, s’il lui était possible de savoir ce qui se passe dans les obscures régions des actions moléculaires. On y incline même d’autant plus qu’on éprouve une répugnance invincible à recourir aux explications surnaturelles ou purement métaphysiques. Voilà ce qui fait, selon nous, le grand intérêt de l’entreprise tentée par la physiologie vitaliste actuelle, pour établir que toutes ces vérités que nie la philosophie mécanique, en dépit du sens commun, du sens intime et de l’analyse psychologique, peuvent être confirmées et expliquées par la science elle-même. C’est ce qui nous reste à voir avec l’un des interprètes les plus intelligens et les plus convaincus du vitalisme contemporain.


E. VACHEROT.