Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/577

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Les fonctions les plus élevées, comme les plus basses de l’organisme, ont leur principe dans le mécanisme des élémens moléculaires. Nos sensations, nos images, nos pensées, nos volontés n’ont pas seulement pour conditions les phénomènes physico-chimiques ; elles sont, avec les phénomènes vitaux proprement dits, de pures résultantes de forces primitives et simples dont la complication à l’infini fait sortir ces merveilles de la vie psychique que la conscience nous révèle, mais que la science seule peut nous expliquer.

Voilà une explication à laquelle on ne contestera pas le mérite de la simplicité. Est-elle aussi vraie, aussi conforme à l’exacte interprétation des faits, aussi réellement intelligible qu’elle en a l’air ? Ceci est une autre question. Ce qui n’est pas douteux, c’est qu’elle fait des conquêtes dans le monde savant. Presque aussi ancienne que la philosophie elle-même, elle semble regagner tout le terrain qu’elle avait perdu depuis la philosophie grecque. Alors déjà, avec Démocrite, Épicure et toute l’école atomistique, elle était devenue plus populaire dans la science antique qu’aucune autre doctrine, même que celles qui avaient le prestige des noms de Pythagore, de Socrate, de Platon, d’Aristote, de Zenon. De même aujourd’hui il ne suffirait plus de lui opposer les plus grands noms de la philosophie moderne, Descartes, Malebranche, Leibniz, Kant, Hegel, Maine de Biran. Cette école a reparu avec des noms moins connus, mais avec des méthodes d’apparence plus sévère ; elle a semblé recevoir des découvertes de la science contemporaine une sorte de confirmation scientifique. Fière de sa nouvelle popularité, confiante dans la clarté de ses enseignemens, elle brave l’autorité du sens commun, la lumière de la conscience, aussi bien que le génie des systèmes métaphysiques. On a beau lui répéter que le sentiment de l’individualité, de la spontanéité, de la liberté de l’être humain, est invincible, que la morale entière repose sur la foi à ces immortelles vérités ; on a beau l’accabler sous le poids des conséquences pratiques de ses doctrines, elle répond imperturbablement qu’un sentiment même invincible ne peut prévaloir contre une démonstration ou une analyse scientifique, qu’il peut n’être qu’une illusion, et que tel est le cas de toutes les affirmations psychologiques qui ne peuvent se concilier avec les explications de la science positive. En sorte que le spiritualisme de notre temps s’épuise vainement en belles analyses des faits de conscience et en éloquens discours sur la portée morale et sociale de pareilles négations. La philosophie mécanique n’en continue que plus intrépidement son œuvre d’explication dite scientifique.

Il ne suffit même pas, pour arrêter ses progrès, d’opposer à ses affirmations non justifiées, à ses expériences mal faites ou peu