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Louis XIV. C’était une chose toute nouvelle à cette date. Quelle que fût la médiocrité du journaliste et de son œuvre, la curiosité publique s’y attacha. Ces feuilles volantes furent un des événemens, un des menus événemens de ce temps-là. Non pas que les journaux fussent inconnus au XVIIe siècle ; à côté de la Gazette de France, fondée par Renaudot en 1631, il y avait les journaux savans, érudits, critiques, les Nouvelles de la république des lettres, de Bayle, les recueils de Le Clerc, de Basnage, — ces recueils sérieux ou piquans dont La Fontaine a si bien parlé dans une de ces missives moitié vers, moitié prose, qui sont elles-mêmes des courriers littéraires de l’époque. Voici ce qu’il écrivait à M. Simon de Troyes au mois de février 1686, à propos d’un dîner chez Girardon, son Phidias, comme il l’appelle, et celui de toute la terre. Tout en attaquant un pâté de canards envoyé de Troyes par M. Simon au grand artiste, son compatriote, les convives se mirent à parler de toutes les nouvelles du jour, du roi, du duc de La Feuillade, de la statue de la place des Victoires, de celle que préparait Girardon ; puis, d’un propos à l’autre, on en vint aux journalistes en renom, à Bayle à Le Clerc.

Je ne sais plus sur quoi, mais on fit leur critique.
Bayle est, dit-on, fort vif, et s’il peut embrasser
L’occasion d’un trait piquant et satirique,
Il la saisit, Dieu sait, en homme adroit et fin.
Il trancherait sur tout comme enfant de Calvin,
S’il osait ; — car il a le goût avec l’étude.
Le Clerc pour la satire a bien moins d’habitude ;
Il parait circonspect, mais attendons la fin.
Tout faiseur de journaux doit tribut au malin.
Le Clerc prétend du sien tirer d’autres usages ;
Il est savant, exact, il voit clair aux ouvrages,
Bayle aussi. Je fais cas de l’une et l’autre main ;
Tous deux ont un bon style et le langage sain.
Le jugement en gros sur ces deux personnages,
Et ce fut de moi qu’il partit,
C’est que l’un cherche à plaire aux sages,
L’autre veut plaire aux gens d’esprit.


Il y avait donc des journaux sérieux, celui-ci voulant plaire aux sages, celui-là voulant plaire aux gens d’esprit ; mais un journal de nouvelles, de curiosités, de commérages, un journal comme ceux qui pulluleront plus tard dans les bas-fonds de la chronique, devait être un événement à Paris, et plus encore au fin fond de la province.

Aussi, dans cette foule qui est toujours la même, le Mercure galant avait des lecteurs avides, des amis enthousiastes, et tout naturellement on vit accourir à ses bureaux des gens qui, pour leurs intérêts ou leur vanité, voulaient mettre à profit cette publicité nouvelle. Boursault, journaliste aussi à sa manière, d’abord avec ses