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pécore. Il a bien quelque facilité de plume, mais quelle facilité déplorable ! Il trouve des vers à la douzaine.

Il s’amuse à la muse et la muse l’amuse.


Amarante a beau dire que les vers de Boursault, vers faciles sans doute, sont aussi des vers choisis, le comte redouble ses attaques :

Je le soutiens, madame, un butor parisis,
Une grosse pécore, une pure mazette.


Voilà le seul personnage nommé et injurié dans la pièce de Boursault. Ne reconnaît-on pas ici la naïveté habituelle de ce grand enfant?

Quant au fond de la pièce, Molière l’a résumé en quelques mots dans la fameuse page de l’Impromptu de Versailles. « Qu’ils disent tous les maux du monde de mes pièces, j’en suis d’accord. Qu’ils s’en saisissent après nous, qu’ils les retournent comme un habit pour les mettre sur le théâtre, et tâchent à profiter de quelque agrément qu’on y trouve et de quelque bonheur que j’ai ; j’y consens... » Voilà toute la comédie de Boursault; le Portrait du peintre n’est que la Critique de l’École des femmes « retournée comme un habit.» Molière, dans le dialogue charmant de la Critique, fait censurer sa pièce par des personnages ridicules, et ce sont les esprits les plus sages, les plus sensés. Dorante et Uranie, qui en prennent la défense. Dans le Portrait du peintre, ce sont les personnages ridicules qui admirent la comédie de Molière et les honnêtes gens qui la condamnent. Au reste, même trame, même tissu, même arrangement ; Boursault ne s’est pas mis en frais d’invention, il a retourné l’habit du maître. La seule chose qui lui appartienne, c’est la forme du langage, le vers substitué à la prose. A la place de ce style vif et plein, de cette langue franchement venue, Boursault a mis sa versification sans muscles, sa facilité superficielle, les choses dont il sourit lui-même ingénument quand il se fait dire par le comte son ennemi :

Il s’amuse à la muse et la muse l’amuse.


Les critiques mêmes, sauf une ou deux, ne sont pas de son cru; Molière les a placées déjà dans la bouche du marquis et du pédant. On cite souvent ce passage où Boursault persifle la naïveté des réponses d’Agnès :

Est-il rien qui ne plaise
Dans ce que dit Arnolphe à la fille niaise?