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mon cousin et vous demander des détails sur les ruines d’Uxmal, que vous habitez, m’a-t-on dit.

Mercedes le regarda avec une surprise où se trahissait quelque gêne. De nouveaux groupes de danseurs se formaient autour d’eux. Elle accepta le bras du jeune homme et monta les degrés de l’estrade. George Willis lui présenta son compagnon, et tous trois s’assirent dans l’angle le plus éloigné des musiciens, suivis par les regards curieux des spectateurs.

Fernand semblait le plus embarrassé des trois, mais peu à peu la conversation s’anima. Dona Mercedes s’amusait de l’étonnement des deux étrangers et répondait complaisamment à leurs questions sur les usages du Yucatan et sur les incidens du bal. La danse avait repris avec animation. Couples après couples se succédaient sans interruption, et toujours les danseurs finissaient par s’emparer de la fleur que les jeunes filles agitaient coquettement. A dire le vrai, elles y mettaient quelque bonne volonté, et leurs cavaliers leur en savaient gré. La danse des toros fit ensuite place à des danses d’ensemble rappelant de loin nos quadrilles européens, mais avec plus d’entrain de part et d’autre.

George Willis essaya d’amener l’entretien sur les ruines d’Uxmal, mais dona Mercedes paraissait peu disposée à satisfaire sa curiosité. En cela elle était secondée par Fernand qui, pour le moment du moins, se préoccupait peu des ruines et dont les regards respectueux, mais charmés, ne perdaient pas un geste de la jeune fille. Le curé, toujours affairé, allait et venait, se joignant par intervalle à leur groupe, se mêlant à la conversation, puis, appelé ailleurs par d’autres soins, laissant sa phrase interrompue, sa remarque inachevée. Vers quatre heures, dona Mercedes se leva ; elle avait, disait-elle, une assez longue distance à franchir avant de regagner son habitation.

— Nous permettez-vous, dona Mercedes, d’aller vous présenter nos hommages ? lui dit George Willis. J’ai un vif désir de connaître Uxmal. Le curé Carillo a promis de nous y conduire, mais Uxmal est sur vos terres, et je voudrais d’abord m’ assurer de votre consentement.

— Il n’en est pas besoin, répondit dona Mercedes. Les ruines couvrent plusieurs lieues de pays et sont accessibles à tous ; mais je croyais, d’après ce que vous m’aviez dit, que vous ne comptiez passer ici que quelques jours.

— C’était en effet notre plan primitif, mais j’ignorais alors l’existence d’Uxmal, et ma curiosité s’est éveillée au récit des descriptions que le curé nous a faites. Mon père, mort depuis peu d’années, possédait à Labna des terres qu’il n’avait, non plus que moi, jamais visitées. Je me propose de les examiner et d’aviser aux