Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/633

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moyens de les mettre en culture. Pouvez-vous me dire où est et ce qu’est Labna ?

— Oui. On désigne ainsi une vaste étendue de pays, plaines et forêts, forêts surtout, qui confinent à Uxmal et s’étendent dans la direction de Nohpat.

— Alors nous sommes voisins ?

— Oui, monsieur. Je savais que ces terres avaient été concédées par le gouvernement mexicain à un négociant de New=York. Votre intention est-elle de vous y établir ?

— Moi,... non. Peut-être mon cousin, qui veut bien m’aider de ses conseils et veiller à mes intérêts, résidera à Labna, si, après examen, nous estimons que l’exploitation du sol puisse être utile au pays, aux Indiens et à nous-mêmes. Sur ce point, vos avis nous seraient précieux.

Dona Mercedes écoutait avec attention. Son visage, un peu soucieux au début de l’explication, se rasséréna promptement, et ce fut avec plus de cordialité qu’elle répondit aux jeunes gens. Elle ne dissimula pas les difficultés de leur entreprise. Labna, ainsi qu’Uxmal, était couvert de vastes forêts presque impénétrables. Çà et là quelques parties découvertes pouvaient convenir à la culture du mais et de la canne à sucre ; mais les routes n’existaient pas, à peine trouvait-on quelques rares sentiers frayés par les Indiens. Le curé d’ailleurs leur donnerait des indications plus précises. Il les rejoignait en ce moment, ayant aperçu l’escorte de dona Mercedes qui se préparait au départ. Ses instances pour la retenir furent vaines ; mais elle les invita tous trois à venir le surlendemain à Uxmal, où elle les attendrait pour déjeuner. Les jeunes gens acceptèrent avec empressement, le curé avec embarras, et l’on se sépara. Mercedes partie, le bal intéressait peu George et Fernand, et ils rentrèrent chez dona Micaëla.


III.

En quittant Mérida pour se rendre à Uxmal, les voyageurs suivirent le camino real, route royale qui se dirige sur Tékoh. En dépit de son nom pompeux, le camino real n’est qu’un mauvais chemin labouré d’ornières où les caretas s’embourbent fréquemment. Montés sur d’excellens chevaux du pays, ils franchirent rapidement cette distance. A Tékoh, abandonnant la route, ils s’enfoncèrent dans la forêt. Un étroit sentier à peine assez large pour deux cavaliers de front serpentait sous d’épais ombrages qui ne laissaient pénétrer qu’un demi-jour mystérieux. Deux heures d’un trot allongé les amenèrent enfin à une clairière où leurs yeux éblouis par l’éclat du soleil s’arrêtèrent avec stupéfaction sur les ruines colossales de la casa del gobernador.