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soleil déclinait à l’horizon et dardait ses rayons mourans sur la forêt dont il dorait les cimes, et sur les ruines voisines dont les murailles se découpaient en saillie sur le ciel empourpré. L’une surtout attirait les yeux par ses lignes bizarres. Le monticule qui lui servait de base représentait une pyramide tronquée ; les angles, nettement accusés, avaient conservé toute leur régularité première. D’un style moins sévère que les autres, elle les dominait et ses pans de murs qui se dessinaient en relief puissant étaient couverts du haut en bas de sculptures et de bas-reliefs.

Voici le Palais du Nain, dit Mercedes à Fernand. J’avais songé d’abord à nous y établir, mais le curé Carillo a tout fait pour nous en dissuader. Personne d’ailleurs n’eût consenti à nous y suivre. Les Indiens n’en approchent qu’en tremblant et s’ils l’osaient ils l’auraient détruit depuis longtemps.

— Pourquoi cela ?

— Les uns prétendent que c’était l’habitation d’un grand prêtre païen, d’autres qu’on y rencontre des idoles et des ossemens humains. Je crois que le Palais du Nain était le temple d’Uxmal. Sa position au centre même de la ville, sa situation plus élevée, ses vastes salles entourées de petites pièces étroites et sombres révèlent une destination différente de celle des ruines environnantes. D’ailleurs je ne l’ai visité qu’une fois, et j’ai renoncé à mon projet...

— Il était séduisant, et je serais heureux de le mettre à exécution si dona Mercedes me le permettait, interrompit George Willis.

— Vous, monsieur ? quelle singulière idée !

— Mais non, pas si singulière. Ces ruines m’attirent, j’ai le désir de les étudier de près, vous nous l’avez permis. Si nous habitons Mérida, il nous faudra chaque jour perdre quatre heures en courses. Autorisez-nous à nous installer dans le Palais du Nain, nous n’y dérangerons personne, nous serons au centre de nos explorations, vos locataires si vous le permettez, vos obligés à coup sûr et vos voisins dans la mesure où cela vous plaira.

George Willis parlait si sérieusement que le sourire d’incrédulité de dona Mercedes disparut.

— Et Labna ?.. et vos projets de défrichemens ?

— Ils attendront.

— Mais pas un Indien ne voudra vous accompagner.

— Nous nous passerons des Indiens. Le brick le Montezuma est à Sisal pour plusieurs jours. Je connais l’équipage ; il y a là un certain nombre de gaillards que je soupçonne fort d’avoir fait tous les métiers, et à qui les légendes indiennes seront bien indifférentes, entre autres raisons parce qu’ils ne savent pas un mot de maya. Je les prendrai à mon service.

— Pourquoi refuser, Mercedes ? dit Carmen, qui ne perdait pas