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disent les chroniques, les leudes se plaignaient de n’être plus convoqués ni consultés sur rien.

Dans le siècle suivant, les usages nationaux, passagèrement abandonnés, reprennent faveur. Dagobert, en 635, réunit un « parlement des seigneurs et des prélats du royaume ; » il parut au milieu d’eux avec une couronne d’or sur la tête, s’assit sur un trône d’or et prononça un long discours que son biographe a conservé ou supposé. Son fils Clovis II l’imita ; on nous le montre convoquant une assemblée générale « en la ville de Clichy, » l’année 654, « pour traiter des communes besoignes du royaume, » et parlant en public avec l’appareil et le cérémonial adoptés par Dagobert. Sous la dynastie carlovingienne, bien plus fidèle que la précédente à l’esprit germanique, l’antique réunion du champ de Mars, transportée au mois de mai, devient une institution fixe et régulière, un instrument de règne, un ressort de l’état. Pépin le Bref, Charlemagne et leurs successeurs rédigent leurs capitulaires dans l’assemblée de la nation, in plena synodo, in generali populi conventu ; en toute affaire d’importance, intéressant le salut de la patrie et l’utilité des Francs, pro salute patriæ et utilitate Francorum, ils prennent conseil des grands et des hommes libres, per consilium Francorum et procerum suorum agebant. La Chanson de Roland a traduit ce texte des chroniqueurs latins du VIIIe siècle sur Charlemagne :


Ses barons mande pour son conseil finer ;
Par ceux de France voet-il de tout errer.


On ne compte guère moins de cent assemblées plénières tenues par les Carlovingiens ; elles se réunissaient deux fois par an dans les temps calmes et prospères de l’empire : une lettre célèbre d’Hincmar, écrite en 882 d’après un document officiel de 826, nous fait connaître les travaux ordinaires et le degré d’influence de ces parlemens.

On a remarqué que la volonté du prince et son impulsion y décidaient presque tout ; à lui seul appartenait l’initiative de l’action et de la parole : il avait le premier mot et le dernier. C’est précisément le rôle prépondérant, la situation dominante que gardera la royauté capétienne dans les futurs états-généraux. Sauf de rares exceptions, les assemblées politiques en France n’ont été, jusqu’en 1789, que de solennels comités consultatifs. Déjà s’annonce dans les parlemens carlovingiens ce qui sera et s’appellera un jour la séparation des trois ordres. L’aristocratie ecclésiastique et laïque, se dégageant de la foule confuse des hommes libres, du tiers-ordre de l’armée et