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des fonctionnaires impériaux, siégeait à part en deux groupes distincts qui délibéraient tantôt isolément, tantôt réunis dans le conseil du prince, avec les grands-officiers et les ministres de la couronne. Les historiens contemporains mentionnent exactement ces réunions ; ils en indiquent chaque fois la composition et l’importance ; ils notent le résultat de leurs délibérations, le lieu où elles se tenaient, lieu variable, désigné par le prince : ils disent si le plaid était une simple réunion aristocratique, un conseil des grands, ou bien une assemblée plénière, mais circonscrite dans une région déterminée, quelque chose comme des états provinciaux, ou bien enfin une convocation générale des hommes libres de l’empire, car un plaid pouvait avoir l’un ou l’autre de ces trois caractères. Figurons-nous une de ces assemblées générales, un de ces parlemens armés, aux époques florissantes du puissant empire d’Occident : le coup d’œil assurément était des plus pittoresques ! Les poètes latins du IXe siècle aident notre imagination à se représenter la réalité, à lui rendre la vie et la couleur. « On y voyait, dit Ermold le Noir, des milliers de Suèves à la blonde chevelure venus d’au-delà du Rhin ; les phalanges saxonnes armées de carquois et les troupes de la Thuringe marchaient à leur suite. La Bourgogne envoyait une brillante jeunesse qui renforçait les guerriers des Francs ; mais redire les peuples et les immenses nations de l’Europe rassemblés dans le même lieu serait une tâche impossible. »

Charlemagne, qui aimait à parler et qui parlait bien, haranguait souvent ces assemblées et dirigeait en personne les délibérations du conseil : son éloquence avait pour traits distinctifs la force, l’abondance et la clarté. « Il s’exprimait avec une admirable netteté sur toutes choses, » dit Éginhard. C’est le mot des chansons de geste : Bien scet parler et dreite raison rendre. « Il était si emparlé et sage en paroles, ajoutent les Grandes chroniques, qu’il sembloit que ce fust un grand clerc et un grand maistre. » Si l’on peut s’en fier aux poétiques descriptions d’Ermold le Noir, qui, écrivant pour les contemporains, ne pouvait pas trop mentir, ni la vivacité ne manquait aux discussions, ni l’étendue aux discours prononcés. Quand le prince, « couvert des insignes impériaux, assis sur un trône d’or, » avait ouvert la séance par une allocution et demandé l’avis de l’assemblée, celui qui avait quelque chose à dire quittait sa place et, fléchissant le genou devant l’empereur, baisait sa sandale : il parlait ensuite ; l’assemblée applaudissait ou murmurait, et si l’empereur était absolument satisfait du discours, il donnait l’accolade à l’orateur en signe d’approbation. Nous pouvons donc nous faire une assez juste idée de ce qu’était une session parlementaire au IXe siècle.

La révolution féodale change de nouveau la face de l’Occident.