amoncelés des approvisionnemens considérables, et ce dépôt était cependant sous la garde de dix hommes. Une autre fois, cinquante indigènes se ruèrent sur quatorze soldats d’infanterie de marine, à 200 mètres de Nouméa. Pas un des nôtres ne fut tué, mais la lutte corps à corps fut terrible, et sans l’énergie vraiment surprenante qui soutint nos fantassins en ce moment suprême, tous eussent péri. En 1861, les naturels de Kuamé massacrèrent douze colons en un seul jour ; — le nom de la Baie du massacre est resté attaché à l’endroit où ces infortunés périrent. En 1864, l’équipage de la Reine-des-Iles fut entièrement anéanti en vue de la goélette de l’état, la Fine. En 1867, deux Néo-Calédoniens, aux ordres d’un fameux chef cannibale, du nom de Gondon, tranchèrent la tête au colon Tagnard, en plein jour, à quelques centaines de mètres d’un poste. A Puebo, le 6 novembre 1867, trois gendarmes, qui rentraient sans défiance à leur caserne, à neuf heures du soir, furent attaqués par des naturels de la tribu de Gabarick ; ces militaires furent assassinés et leurs cadavres laissés sur place. Les sauvages de cette même tribu massacrèrent ensuite le colon Démenée et blessèrent Mme Démenée, ainsi que deux de ses fils. À cette occasion la guillotine fonctionna pour la première fois en Nouvelle-Calédonie : neuf têtes de Canaques roulèrent, au grand ébahissement des tribus assemblées autour de l’échafaud, sur la plage de Puebo. Peu de temps après, six de nos soldats furent encore surpris par une centaine d’Ounonas, — nos alliés pourtant, — tués et mangés par eux. C’est à la suite de cette tuerie et de celle des passagers et de l’équipage du cotre français le Secret qu’il fut résolu d’exécuter une vigoureuse attaque contre les tribus ennemies. Voici, d’après le rapport militaire du gouverneur, un résumé de cette expédition :
« Pendant près de six heures, les troupes, divisées en trois colonnes, pour attaquer l’ennemi à l’est, à l’ouest et au midi, marchèrent dans un pays sillonné de ruisseaux marécageux, de collines escarpées aboutissant à des ravins, à des sentiers trop étroits pour y poser les pieds. Puis il fallut recommencer de nouvelles ascensions suivies bientôt de nouvelles descentes.
« Les villages des Canaques sont bâtis sur les cimes les plus élevées des montagnes ou situés au fond des précipices. Pour arriver à ces derniers, il faut accomplir des prodiges de gymnastique, se coucher sur le dos et pousser ainsi les pieds en avant. Pour s’élever aux premières, il faut ramper sur les pieds et sur les mains. Après avoir traversé la forêt où chacun tenait son voisin par la main pour ne pas se perdre, et où la marche était entravée par des excavations que l’on traversait les yeux fermés derrière des guides et