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— M. le chef d’arrondissement se plaint de vous, Ataï, lui dit le gouverneur. Je vous engage fort à changer, ou je serais contraint de vous punir sévèrement… Lorsque le gouverneur vous parle, ajouta M. de Pritzbuer, vous devez vous découvrir.

— Quand toi quitter ta casquette, réplique Ataï, moi ôter la mienne !

Nous ne savons ce que fit M. de Pritzbuer, mais intérieurement il a dû avoir de l’estime pour le sauvage qui osait lui faire cette fière réponse..

Ce plaidoyer en faveur des Canaques serait incomplet, si nous ne rappelions au souvenir de nos lecteurs la conduite amicale des tribus de Galima et de Caké qui, guidées par l’intrépide M. Servan, vinrent jusqu’à Ourail combattre nos ennemis, et cela au moment où l’on craignait que la défection ne devînt générale.

Quelle que soit notre incompétence à trancher la grave question de vie ou de mort qui pèse en ce moment sur les indigènes de la Nouvelle-Calédonie, nous croyons qu’il est encore possible de concilier les exigences de la colonisation avec des idées de pardon. Après avoir fait une guerre inexorable aux tribus rebelles, purgé de leur présence les territoires qu’elles occupaient, il nous faut accepter l’alliance de celles qui nous sont restées fidèles, sans nous départir toutefois à leur égard d’une défiance qui nous mette à l’abri des surprises.

S’il y a, comme on doit le prévoir et l’espérer, accroissement de libérés et de colons, il faut, et dès aujourd’hui, nous préparer à une occupation qui ne peut offusquer aucune puissance. Il faut, en un mot, nous emparer de l’archipel des Nouvelles-Hébrides et jeter là l’excédant libre de nos pénitenciers. La sécurité de la Nouvelle-Calédonie, son avenir, commandent cette acquisition. Nous croyons savoir qu’on y a déjà songé au ministère de la marine depuis plusieurs années ; M. le contre-amiral Bergasse du Petit-Thouars qui fait route en ce moment vers l’Océan austral, est partisan de ce projet. Pourquoi ne chargerait-on pas cet éminent officier de prendre possession des Nouvelles-Hébrides ? Il n’est que temps, et les circonstances pour cette occupation nous semblent tout à fait favorables.

Procurer aux condamnés libérés de nouvelles terres à exploiter et des facilités d’établissement n’est malheureusement pas ce qu’il y a de plus difficile à accomplir en Nouvelle-Calédonie. Il faut pouvoir leur fournir des femmes, et des femmes européennes, amant que possible, puisque les insulaires ne sont pas assez civilisés pour se laisser dépouiller des leurs. Et, à ce sujet, il est probable que le gouvernement colonial prendra des mesures sévères pour que le rapt des popinées par des forçats libérés ne se reproduise plus.

C’est au ministère de l’intérieur, au personnel féminin des