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UN
NOUVEAU LIVRE
SUR M. DE BISMARCK

Le livre en deux volumes que M. le docteur Moritz Busch vient de consacrer à la gloire de M. de Bismarck a fait quelque bruit en Allemagne, en France et ailleurs[1]. Si c’est bien là le genre de succès que recherchait l’auteur, il doit être content. M. de Bismarck l’est-il autant que lui ? C’est une question difficile à résoudre. Selon les uns, il a été vivement froissé et même irrité des indiscrétions commises par son historiographe. D’autres prétendent qu’il a feint l’irritation, mais que dans le secret de son cœur il a été charmé, et qu’il a dû s’écrier, comme Méphistophélès : « Le scandale ne m’a jamais déplu, et si le diable ne peut faire lui-même certains ouvrages, il peut toujours les commander. » Qui se chargera : d’approfondir les mystères de l’âme du chancelier de l’empire germanique ? Cependant nous sommes porté à croire qu’il n’a éprouvé en cette circonstance qu’une joie mêlée, mitigée, indécise, et nous ne serions pas étonné s’il avait reproché au docteur Busch de n’avoir point eu, en composant son pot-pourri, tout le discernement, tout le tact qu’on est en droit d’exiger du secrétaire d’un grand homme. Tel biographe grandit son héros, tel autre le diminue. Nous craignons que, sans le vouloir et sans le savoir, M. Busch ne se soit appliqué consciencieusement à diminuer M. de Bismarck.

Le plus grand politique qu’ait enfanté la Prusse depuis Frédéric II n’a pas encore trouvé un biographe vraiment digne de lui. Toutefois il ne faut pas trop rabaisser le mérite de George Hesekiel. A la vérité il n’était pas assez maître de son enthousiasme, et la naïveté de ses effusions lyriques a plus d’une fois déridé ses lecteurs. Pouvaient-ils

  1. Graf Bismarck und seine Leule während des Kriegs mit Frankreich, nach Tagebuclisblättern, von Dr Moritz Busch. Leipzig, 1878.