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Dufaure, par son nom, par son caractère comme par son talent, est l’honneur et la force d’une situation, et si l’autre jour il n’a pas laissé échapper l’occasion de relever les présomptueuses attaques d’un ministre du 16 mai, on peut être assuré qu’il n’hésiterait pas à repousser des entreprises d’une autre nature qui tendraient à altérer la politique dont il est la personnification au pouvoir. M. Dufaure représente plus que tout autre la république régulière, constitutionnelle, modérée, à laquelle l’appui de la majorité renouvelée du sénat ne manquera sûrement pas, et si les chefs de la majorité de la seconde chambre ne se laissent pas troubler par leurs passions, ils s’apercevront bien vite qu’ils ne peuvent rien gagner à changer sensiblement cette situation ; ils comprendront qu’au lieu de tomber dans le piège des agitations, des revendications exclusives et des conflits violons, ce qu’ils ont de mieux à faire c’est d’éviter toutes les occasions de crises nouvelles, de montrer la république s’affermissant par la modération, s’occupant avant tout des affaires et des intérêts du pays. Le vote du 5 janvier, s’il est une victoire, doit être une raison de plus de ne pas s’écarter de cette voie.

Est-ce que cela n’est pas possible ? Est-ce que le budget ne vient pas d’être discuté le plus paisiblement du monde en dehors de toute préoccupation de parti ? Entendons-nous bien toutefois. Ce n’est pas que cette discussion, qui n’est point encore terminée, mais qui ne paraît devoir soulever aucune difficulté sérieuse, ait absolument le caractère qu’elle devrait avoir. D’abord, quelques droits qu’ait une majorité, elle devrait être la première à désirer la présence de quelques membres de l’opposition dans la commission du budget. Les minorités sont les minorités dans les questions de gouvernement, elles ne sont pas exclues du travail parlementaire, et si par une intention d’impartialité elles sont admises à être représentées au bureau de la chambre, à plus forte raison doivent-elles avoir leur place dans la plus haute commission de contrôle financier. D’un autre côté, si cette discussion est fort paisible, il est clair qu’elle est conduite au pas de charge ; pour avoir été trop retardée, elle va maintenant par trop vite. Il ne serait vraiment pas bon qu’un budget de près de 3 milliards fût toujours discuté de cette façon, sans un examen approfondi de la situation financière. La commission du budget fait son travail pour la chambre, elle le fait sans doute avec zèle, — la discussion publique seule éclaire le pays. Cela dit, il est certain que cette discussion précipitée et sommaire est restée avant tout une discussion d’affaires. Le budget de la guerre notamment a provoqué des débats d’un ordre tout pratique, intéressans et rapides, où un député homme d’esprit, M. Margaine, s’est jeté vivement et où le rapporteur, M. Langlois, a trouvé l’occasion de prononcer ces paroles, qui ont certes leur application dans d’autres questions que celles de l’organisation militaire et des finances : « Ces choses-là, a-t-il dit à