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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/714

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constitution a disparu ; la chambre des députés et le sénat ont été élus, les deux assemblées se sont réunies, — et à ce moment encore il s’est trouvé que la question n’était pas entièrement résolue, les conflits ont commencé, les tiraillemens se sont multipliés, et à la place de la paix il y a eu une année durant une confusion singulière, d’où a fini par sortir une crise plus violente, plus aiguë que jamais, qui a eu pourtant comme compensation l’avantage d’être une épreuve décisive pour les institutions nouvelles. Il est certain que, si la république n’a pas péri dans la tourmente du 16 mai, c’est qu’elle ne doit pas périr de la main de ses ennemis. Maintenant, tout cela est passé et c’est sur les élections du 5 janvier que les regards se fixent comme sur le point de l’horizon d’où doit venir la lumière. Il semblerait que le scrutin du 5 janvier, s’il répond aux espérances qu’on a conçues, va délivrer de tous les périls et ouvrir une carrière désormais assurée.

Eh bien ! c’est là justement que peut recommencer le mirage. La majorité nouvelle du sénat sera vraisemblablement républicaine, on peut le présumer : ce sera un gage de paix entre les deux chambres, une garantie contre des conflits de parti pris, contre des crises où la république serait directement en jeu, et c’est déjà beaucoup sans doute ; mais après comme avant, demain comme aujourd’hui, au commencement de 1879 comme à la fin de 1878, la question essentielle reste à peu près la même, parce que tout dépend de la manière dont on saura user de cette victoire encore plus que du résultat numérique d’un scrutin. Ce serait une singulière illusion de se figurer que cette date du 5 janvier, fût-elle signalée par le succès qu’on attend, peut devenir le point de départ d’une politique nouvelle, qu’avec un déplacement de majorité dans le sénat il sera plus facile de tout se permettre, de tout oser, et qu’il serait sans inconvénient par exemple d’ouvrir l’ère de stabilité de la république par des crises de pouvoir, par des compétitions ministérielles. Il y a, dit-on, des impatiens qui s’agitent déjà, qui s’essaient au rôle de tacticiens de couloirs. Ils ont leurs combinaisons, ils comptent les jours ou les semaines que le ministère a encore à vivre pour arriver à l’étape qu’ils ont fixée dans leurs calculs ; ils savent quels sont ceux des membres du cabinet qui pourront rester, quels sont ceux qui devront se retirer, ils distribuent les portefeuilles. Ils commencent par l’intrigue au risque de finir par la confusion. C’est une manière de disposer de la victoire avec profit ! En réalité ce n’est pas encore un travail bien sérieux. Il y a toujours, même à part le chef de l’état, un homme avec lequel il faut compter, c’est M. le président du conseil, qui attestait si récemment encore son autorité dans une foudroyante réponse à M. de Fourtou et qui jusque dans sa sévérité donnait à tous l’exemple de la mesure. Cette vigueur de raison et de parole reste une de ces garanties qu’on n’affaiblit pas ou dont on ne se prive pas impunément. M.