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écoles primaires proprement dites, qui sont loin de posséder toutes le personnel indispensable.

Une question difficile est de savoir si l’école Turgot doit constituer un établissement à part, avec son directeur spécial, ou si elle doit être réunie avec l’école primaire sous une seule et même direction. Nous préférons la première solution qui permet une séparation plus nette et qui établit entre les deux écoles une émulation salutaire. Si le chef de l’une des deux laisse à désirer, le mal est moins grand que si l’ensemble vient à tomber sous une direction défectueuse. Un maître ne prend pas volontiers des adjoints par qui il serait éclipsé, au lieu que deux écoles en présence l’une de l’autre tiennent à montrer, la plus élevée qu’elle mérite son nom, la plus humble qu’elle est au-dessus de sa tâche.

Deux opinions différentes se sont fait jour en ces derniers temps sur le caractère qu’il convient de donner à l’enseignement Turgot. « Il ne faut pas que l’instruction par l’esprit seulement soit trop prolongée… Instruisons les enfans du peuple, mais ne les exposons pas à perdre le goût du travail professionnel. » Ainsi s’exprime M. G. Salicis dans un remarquable et original petit livre où l’on sent à toutes les pages la connaissance du peuple et l’amour de l’instruction[1]. À l’imitation de ce qu’il a introduit lui-même, en qualité de délégué cantonal, dans l’école de la rue Tournefort, l’auteur demande que des ateliers soient adjoints aux écoles, et que les élèves, au moins deux heures par jour, soient exercés au maniement des principaux outils. « Il faudrait que les écoliers de douze ans eussent appris comment le feu amollit les métaux et comment l’eau froide les trempe ; comment la chaux se délite et comment durcit le ciment ; ce que c’est qu’un tour, ce qu’on en peut tirer, comment on fait un tenon simple et sa mortaise, etc. » Naturellement ces ateliers présenteraient un caractère différent suivant les contrées. « Aux environs de Dieppe, où prospèrent deux industries bien tranchées, la sculpture sur ivoire et l’horlogerie, n’est-il pas évident qu’une part prépondérante devrait être faite au dessin d’ornement, au modelage, à l’étude des engrenages, des échappemens. Près de Fontainebleau, au milieu des chênes, des pins, des bouleaux, des bruyères et des genévriers, les apprentissages bien compris ne pourraient-ils de même amener l’aisance dans les foyers disséminés en provoquant une concurrence à Nuremberg et à la Forêt-Noire ? .. Créons des écoles de filles aux environs de Beauvais, je suppose ; ne serait-il pas habile d’y entendre l’apprentissage de manière à ce que l’industrie ainsi créée, en même temps qu’elle

  1. Enseignement primaire et apprentissage, par G. Salicis, ancien élève de l’École polytechnique, délégué cantonal. Deuxième édition. Sandoz et Fischbacher.