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La diminution graduelle des collèges communaux est un fait dont l’origine remonte déjà assez haut. Nous savons que beaucoup de personnes, même parmi les plus libérales, sont disposées à s’en réjouir : il n’est sorte de défauts qu’on ne reproche aux collèges communaux, dont l’enseignement est présenté comme faible et médiocre. Ce serait, selon nous, un motif pour le fortifier, mais non pour supprimer les maisons, à la place desquelles s’installe aussitôt un établissement ecclésiastique dont l’instruction ne saurait être qualifiée de mauvaise, car elle échappe à tout contrôle. Les familles qui ne veulent pas en user sont obligées d’envoyer au loin leurs enfans aux lycées : ainsi s’étendent deux maux, l’internat et le vide de la vie intellectuelle en province.

Si le nombre des collèges communaux diminue, celui des lycées s’accroît beaucoup trop lentement. On aura peine à croire, mais c’est un fait aisé à vérifier, qu’à Paris, depuis 1820, malgré l’énorme augmentation de la population qui a plus que doublé, le nombre des lycées est resté stationnaire : il y en a cinq. Grâce à la libéralité d’un particulier envers l’état, un sixième va s’élever sur le plateau de Passy. Mais, même en y joignant le collège Rollin, qui appartient à la ville, et le collège Stanislas, qui est la propriété d’une communauté religieuse, ce nombre est insuffisant ; la ville de Berlin, dont la population est d’environ un million d’habitans, possède dix gymnases. Certains quartiers de Paris sont absolument dépourvus de lycée. L’internat, dont les frais généraux diminuent à proportion de l’augmentation des élèves, est sans doute l’une des raisons de ce statu quo. Mais, en admettant ce motif, pourquoi au moins ne pas multiplier les externats ? Le reproche que nous faisons ici ne concerne pas seulement Paris. On ne voit pas pourquoi de grandes villes, comme Lyon, Bordeaux, Marseille, n’ont qu’un seul lycée[1]. La présence de deux établissemens permettrait de diminuer le nombre des élèves dans la même classe ou d’échapper à la division des classes en plusieurs sections, qui encombre le personnel d’un effectif trop nombreux. Les proviseurs, moins chargés, exerceraient leur surveillance avec moins de peine. Des différences, résultant des programmes ou de la direction, pourraient s’introduire et profiteraient à l’ensemble de l’enseignement.

L’internat, nous venons de le dire, est au fond de ces questions.

  1. En ces dernières années, à l’usage des plus jeunes élèves, on a fondé des collèges à internat situés à la campagne : ainsi, pour Paris, le lycée de Vanves. Lyon a le collège de Saint-Rambert ; Marseille celui de la Belle de Mai ; Bordeaux celui de Talence. Ce sont des succursales du grand lycée, n’ayant que les classes élémentaires et n’admettant guère, en raison de leur situation, que des internes. Il est clair que cette création n’a rien de commun avec ce que nous réclamons.