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jusqu’à l’embouchure de l’Achéloüs pour dévaster, avec le concours des habitans de Vonitza, le territoire moderne de Missolonghi.

Sparte avait pris insensiblement le goût de la mer ; les fonctions de navarque y gagnèrent une importance qu’elles n’avaient jamais eue jusqu’alors. Les navarques devinrent les égaux des rois, tout en restant néanmoins des rois temporaires. Les alliés, de leur côté, montraient le plus grand zèle, car ils étaient impatiens d’échapper à la tyrannie d’Athènes, les Corinthiens les surpassaient tous en activité. De Corinthe, de Sicyone, autre port situé sur la côte d’Achaïe, de nombreuses trières se rassemblaient à l’entrée du golfe de Crissa, guettant l’occasion de tromper la surveillance de Phormion. Cnémos, le navarque des Spartiates, ne les attendit pas. Il fit traverser pendant la nuit le golfe à mille hoplites et se crut assez fort pour entrer dès ce moment en campagne. Les peuplades ennemies des Acarnanes avaient envoyé à sa rencontre leurs guerriers ; les Macédoniens eux-mêmes lui amenèrent un millier de soldats. Les sujets de Perdiccas avaient à cœur de prendre leur revanche de l’occupation de Potidée ; ils se prononçaient pour Sparte parce que la Thessalie inclinait vers Athènes. Les grands incendies font sortir les bêtes fauves du bois ; tout ce qui connaissait le chemin de la Grèce venait se mêler à ses querelles. Les Acarnanes, heureusement pour eux, étaient d’excellens frondeurs. Ils tinrent les Grecs et leurs auxiliaires en échec. Sous cette grêle de pierres, les hoplites ne pouvaient marcher que couverts de leurs boucliers. Cnémos dut battre en retraite. La flotte corinthienne, qui le savait engagé dans une opération du plus haut intérêt, éprouvait une impatience extrême de le rejoindre. Cette flotte se composait de quarante-sept vaisseaux à bord desquels on avait embarqué un corps considérable de troupes passagères. Bien que les Corinthiens eussent préféré sans doute dérober leur marche à l’ennemi, ils ne supposaient pas que Phormion, avec ses vingt vaisseaux, osât essayer de leur barrer la route. C’était bien mal connaître l’amiral athénien. Pendant que les vaisseaux de Corinthe, formés négligemment en ordre de convoi, peu soucieux de s’astreindre à garder leurs rangs, à resserrer leurs distances et leurs intervalles, longeaient à la rame la côte de l’Achaïe, Phormion suivait, sans les perdre un instant de vue, la côte opposée. Les alliés étaient arrivés à la hauteur de Patras ; il fallait se décider alors à passer sur l’autre rive du détroit ou renoncer à se rendre en Acarnanie. Pourquoi les alliés hésiteraient-ils ? Ne sont-ils pas de beaucoup les plus nombreux ? « Tournez à droite et voguez au nord, » tel est l’ordre donné. Les trières se balancent bientôt en plein canal.

Les Athéniens n’attendaient que ce moment pour agir ; par un mouvement rapide, ils se détachent de terre et font mine à leur