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près du socle de la statue. Fernand voulut surveiller lui-même les derniers préparatifs. Pensant qu’à la suite de l’explosion ils auraient des travaux de déblaiement à faire, les jeunes gens annoncèrent la veille à dona Mercedes et à sa sœur qu’ils ne viendraient probablement pas de quelques jours. Ils prétextèrent une visite et un séjour à Mérida. Dona Mercedes ne demanda aucune explication. Elle avait remarqué la préoccupation de Fernand, mais elle ne se croyait pas le droit de l’interroger. George Willis n’en fut pas quitte aussi facilement. Dona Carmen soupçonnait qu’on lui cachait quelque chose. Tour à tour impétueuse et suppliante, elle l’ébranla si bien que George avoua à son cousin que la seule chose qui l’avait empêché de tout dire était l’état d’imbécillité auquel il s’était trouvé réduit.

Itza suivait avec un redoublement d’intérêt les travaux des mineurs. Elle ne s’expliquait pas ce qu’ils faisaient. Un moment elle avait craint qu’on n’attaquât la statue du nain, et une agitation singulière s’était emparée d’elle. Puis elle s’était un peu rassurée en voyant qu’on creusait les dalles. Toutefois elle ne s’écartait pas ; elle errait dans la cour, attentive à tout ce qui se passait, en proie parfois à une anxiété que trahissaient ses mouvemens fébriles et ses regards inquiets. Lorsque le matin elle vit Fernand préparer la mine, y adapter une mèche, faire écarter tout le monde, elle parut soupçonner qu’un danger inconnu, mystérieux, menaçait l’idole. Murmurant en langue maya des mots inintelligibles, elle n’obéit qu’avec une répugnance visible à ses ordres réitérés de s’éloigner. Cependant elle appela son chien et disparut dans la direction que lui intimait un geste impératif de Fernand.

Il attendit quelque temps ; puis, après s’être assuré qu’il était bien seul, que George et les matelots étaient, ainsi que l’Indienne, à distance, il mit le feu à la mèche et s’abrita derrière un pan de muraille dont l’épaisseur le garantissait contre tout danger.

La mèche se consumait rapidement. Fernand suivait de l’œil ses progrès, prêt à s’effacer derrière le mur, lorsqu’un léger bruit attira son attention. A l’autre extrémité de la cour, en face de lui, il aperçut Itza. Elle avait feint de lui obéir ; mais, au lieu de s’éloigner, elle avait contourné les ruines, gravi la pente et revenait dans la cour, inconsciente du péril qui la menaçait. Elle montait lentement ; un dernier effort et elle atteignait le terre-plein. La mèche brûlait toujours. Fernand n’hésita pas, il s’élança dans la cour, la traversa d’un élan désespéré, saisit l’Indienne qui se débattit et qu’il essaya d’entraîner avec lui sur le flanc du monticule.

Une explosion formidable se fit entendre. Les dalles volaient en éclats, se brisant contre les vieux murs avec un sifflement strident.