pendant qu’une épaisse colonne de fumée montait vers le ciel, remplissant la cour d’un nuage qui rampait sur le sol et s’effrangeait aux angles du palais. Quand il se dissipa, George, qui avait assisté de loin et impuissant à cette scène rapide, vit l’Indienne cramponnée aux arbustes et Fernand évanoui dans son sang qui s’échappait d’une large blessure à la tête. Mutilée et noircie par la poudre, la statue du nain se dressait encore sur son piédestal. Son regard sardonique et son doigt dirigé vers l’endroit même où gisait Fernand semblaient attester sa vengeance et l’impuissance de ses ennemis. Dans sa courte lutte avec Itza, Fernand avait réussi à la rejeter sur la pente ; mais frappé lui-même d’un éclat de pierre, il était tombé sur le rebord. Un cri de douleur s’échappa de la poitrine de George. Sur son ordre, les matelots installèrent promptement une civière, y étendirent Fernand immobile et le portèrent dans la pièce qu’il habitait avec son cousin. L’Indienne suivait ; des larmes coulaient sur ses joues, et une expression d’angoisse et de désespoir contractait son visage. Elle comprenait que Fernand s’était sacrifié pour elle, que son intervention opportune l’avait sauvée, et qu’elle était la cause involontaire de son malheur. A la suite de George, elle pénétra dans le palais ; c’était la première fois qu’elle en franchissait le seuil. On déposa Fernand sur son lit ; le sang coulait lentement de sa blessure, et George sentait son courage l’abandonner. Comment se procurer les secours nécessaires ? Des heures s’écouleraient avant qu’on pût en obtenir de Mérida, et à qui s’adresser ?
Itza regardait alternativement George silencieux, les matelots qui attendaient des ordres, Fernand immobile et pâle. Elle semblait hésiter ; enfin elle s’approcha du lit et appuya sa tête sur la poitrine du jeune homme. George fit un mouvement pour l’éloigner, mais elle posa un doigt sur ses lèvres comme pour lui recommander le silence. Puis, se relevant et se tournant vers un des matelots, elle lui dit en espagnol : — De l’eau ! — Avec une dextérité merveilleuse, elle lava le visage et la plaie du blessé. Cela fait, elle reposa doucement sa tête sur l’oreiller. — Attendez, — dit-elle en s’éloignant rapidement. Quelques instans après, elle revint, tenant dans ses mains des feuilles qu’elle froissait avec une hâte fiévreuse. Elle les appliqua sur la blessure, et fit signe aux matelots de se retirer. George la laissait faire ; atterré par ce coup terrible, ignorant si Fernand vivait encore, il se sentait paralysé et subissait l’ascendant de l’Indienne, qui semblait seule avoir conscience de ce qu’elle devait et pouvait faire. Il avait entendu dire qu’Itza passait parmi les mayas pour posséder des recettes merveilleuses, et que, dans certains cas désespérés, ils surmontaient la frayeur superstitieuse qu’elle