Partout je trouvai le même accueil. Je m’adressai enfin à notre homme d’affaires. Lui me plaignit et m’apprit... ce que l’on me cachait. Mon père s’était offert pour une mission périlleuse. Habile officier de marine, il connaissait la côte et ses approches. On lui avait remis une somme considérable et des papiers importans à destination de Londres. Il s’était embarqué dans une chaloupe pontée, manœuvrée par trois hommes déterminés et choisis par lui. Il avait réussi à forcer le blocus, on le savait par un des matelots, nommé Harris, qui, revenu à Charleston, y avait passé quelques jours et était reparti depuis. J’appris aussi que par un singulier hasard ce même matelot faisait partie de l’équipage qui m’avait ramenée. Malheureusement je ne pus réussir à le retrouver. D’après son récit, confirmé par une enquête officielle, mon père avait relevé et noté les défenses du port, les obstacles accumulés dans les passes. Poursuivi par les croiseurs du nord, aussitôt qu’il eut gagné le large il réussit à se dérober à la faveur de la nuit. Après plusieurs jours de navigation, il atterrit sur un point inconnu, débarqua les papiers qui lui étaient confiés et donna ordre à ses hommes de rallier la Nouvelle-Orléans. Il leur traça la route à suivre, ajoutant que, quant à lui, il aviserait à gagner l’Angleterre. Depuis, on ne reçut aucune nouvelle... Les fonds ne furent pas remis à Londres. Plus tard enfin... quand la flotte fédérale eut pris Charleston, l’amiral ennemi déclara qu’elle avait franchi les passes, évité les obstacles et les torpilles semées sur sa route à l’aide d’indications fournies... par le capitaine Warde.
Mercedes s’arrêta, brisée par l’émotion. Fernand ne perdait pas une de ses paroles.
— La lettre dont vous m’avez parlé était-elle datée, portait-elle une indication quelconque ?
— Aucune. Au bas il n’y avait que les initiales de mon père.
— Dona Carmen ne sait rien de tout ceci ?
— Rien encore. Elle le saura bientôt. Carmen était si jeune que je crus bien faire en lui cachant la vérité. Je quittai Charleston et revins à Mexico. Ma tante mourut... elle aussi... peu après, et je songeai à nous retirer dans un couvent. Quel autre refuge pouvait s’ouvrir aux filles du capitaine Warde ? Et pourtant... je le croyais, je le savais innocent. Vivait-il encore ? Ce papier mystérieux, cette lettre qu’il m’avait fait tenir, ces mots : « Il y va de mon honneur,» hantaient et troublaient mon esprit. Ma mère était née à Mérida. C’était à la Nouvelle-Orléans qu’elle avait vu, aimé, épousé mon père. Dans la première année de leur mariage, tous deux avaient passé quelques mois ici. Je me souvins que, dans mon enfance, mon père me racontait des histoires qui me charmaient ; il y était souvent question des ruines d’Uxmal, situées au milieu de