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son activité propre et constituante, ni de son évolution et de sa fin[1]. » Nous rappellerons enfin, pour confirmer la thèse de la finalité vitale, les enseignemens de la science elle-même. La physiologie travaille sans s’en douter pour cette thèse, dans ses expériences sur le cerveau, puisque de ces expériences il résulte que, non-seulement une faible partie du cerveau suffit à la rigueur à toutes ses fonctions, mais encore qu’à tout le cerveau peuvent suppléer, dans une certaine mesure, pour les fonctions supérieures qui lui appartiennent en propre, les parties du système nerveux qui, dans l’état normal et habituel, ne servent qu’aux fonctions immédiatement inférieures. Cela ne prouve-t-il pas que, ce n’est pas l’organe qui cause la fonction, mais que c’est la fonction qui, sous certaines conditions physiques, s’assujettit et s’approprie l’organe ?


IV

Dans cette discussion entre deux écoles de physiologie, on n’a vu intervenir ni la psychologie ni la métaphysique ; le mot de métaphysique n’y a paru qu’une fois, et c’est un physiologiste qui l’a prononcé. Tous les argumens échangés entre les deux écoles sont empruntés aux sciences physiques et biologiques. C’est l’observation, l’expérience, l’analyse qu’elfe invoquent, l’une pour appuyer ses explications, l’autre pour les réfuter et faire prévaloir les siennes. Ce débat, comme tous ceux où il s’agit, non de découvrir de nouveaux faits, mais d’expliquer les faits connus, est de nature à intéresser plutôt le monde philosophique que le monde savant proprement dit. La science pure réserve toute son attention et toute sa sympathie pour les œuvres d’observation et d’expérimentation. D’où vient cette indifférence de la science contemporaine à l’égard de toute spéculation de ce genre ? C’est d’abord qu’elle n’y trouve pas autre chose qu’une satisfaction pour la curiosité de l’esprit. C’est ensuite et surtout qu’elle ne peut y appliquer son criterium souverain de certitude, la vérification par l’expérience. On vérifie un fait ; on vérifie l’explication d’un fait par un autre fait qui en est la condition, ce qui n’est pas une véritable explication. On ne vérifie pas, à proprement parler, l’explication d’un phénomène par telle ou telle cause. En un mot, on ne vérifie pas une explication métaphysique. Cela ne veut pas dire que cette recherche essentiellement philosophique soit abandonnée aux caprices de l’imagination ou aux purs efforts de la

  1. Voir le rapport où M. Ravaisson cite Jean Müller et Vulpan.