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présent au passé, de l’actuel au possible, de façon à fermer la porte à toutes les hypothèses que la philosophie de l’évolution peut essayer d’introduire dans la science ? Ceci est une autre question. Si la nature était ce que la fait le mécanisme, il serait en effet impossible de comprendre comment le monde, tel que nous le contemplons, ce monde si merveilleux par la variété, la richesse, l’originalité des créations qui le remplissent, peut sortir de la matière brute, même par une immense série d’évolutions accomplies dans une durée incalculable. Comment expliquer une succession d’effets sans rapport d’attributs avec leurs causes ? Comment telle espèce organique peut-elle engendrer telle autre espèce de constitution essentiellement différente ? Comment le règne dont le caractère propre est la simple composition peut-ii engendrer le règne dont le caractère propre est l’organisation ? Comment, en un mot, la vie, avec ses lois et ses forces propres, peut-elle sortir de la matière élémentaire régie par les lois de la mécanique, de la physique et de la chimie ? M. Chauffard et toute l’école vitaliste ont donc beau jeu contre toutes les hypothèses de leurs adversaires. Mais, toutes ces explications réfutées, le problème de l’origine première des êtres vivans n’en reste pas moins à résoudre. Et tant qu’il ne sera pas résolu, la voie est toujours ouverte au génie de l’hypothèse. S’il était possible d’admettre que les espèces animales et végétales qui couvrent actuellement la surface du globe ont toujours existé, que la vie y est contemporaine de la matière, que la lumière du ciel a de tout temps éclairé les grands corps qui circulent dans l’espace éthéré, il n’y aurait pas de question d’origine. Et si l’imagination humaine allait jusqu’à vouloir sonder ces mystères, la science pourrait n’avoir aucun souci de problèmes qui ne s’imposeraient pas à notre intelligence. Mais il n’en va point ainsi. Depuis les découvertes de l’observation et de l’expérience, les questions d’origine préoccupent et sollicitent l’esprit philosophique de notre temps. La science nous apprend que notre terre a subi nombre de métamorphoses, qu’elle a passé par des états très divers, gazeux, liquide, solide, qu’il fut une époque où nulle trace de vie ne se laissait apercevoir sur ce globe muet et désert, entièrement soumis à l’empire des lois physiques et chimiques. Elle nous enseigne que le système solaire, comme tous les mondes célestes, ne fut d’abord qu’une nébuleuse, et que ce n’est qu’en se condensant et en se concentrant progressivement que la matière première s’est réunie en une masse solaire dont le fractionnement a formé ce monde admirable, où les planètes se meuvent autour de leur centre commun, où les satellites se meuvent autour des planètes, en vertu de la loi de gravitation qui régit l’univers entier. Ce sont ces étonnantes révélations qui ont fait l’intérêt des problèmes d’origine,