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Philosophie mécanique. C’est ainsi que la doctrine de la fixité des espèces résiste toujours victorieusement à l’hypothèse du transformisme, qui n’a pu encore expliquer que l’apparition des variétés, soit par l’influence des milieux, sort par la sélection artificielle, soit par la transmission héréditaire. Il y a entre les ordres, les genres, les espèces qui vivent actuellement, des hiatus qui sont restés des barrières insurmontables pour la science, et l’école vitaliste est en droit d’affirmer que le transformisme n’a pu réussir à expliquer la génération d’une seule espèce par une autre, dans l’immense hiérarchie des êtres vivans. Il n’aurait en effet que l’expérience qui pourrait démontrer cette thèse, et, quoi qu’on ait pu faire et dire, l’expérience s’y est jusqu’ici absolument refusée. Elle a au contraire confirmé, elle confirme chaque jour l’immutabilité des espèces, au point que cette fixité semble une des lois naturelles les mieux : établies. Écoutons M. Virchow sur la réduction des élémens organiques aux principes chimiques : « Avant qu’on ait pu me définir les propriétés du charbon, de l’hydrogène, de l’oxygène et de l’azote, de façon à me faire comprendre comment de leur somme peut naître une âme, je ne puis reconnaître que nous soyons autorisés à introduire l’âme de la plastidule dans l’enseignement, ou même à exiger de tout esprit cultivé qu’il l’admette comme une vérité scientifique, pour en tirer des conclusions, et fonder dessus son concept du monde… On ne connaît pas un seul fait positif qui établisse qu’une génération spontanée ait jamais eu lieu, qu’une masse inorganique, même de la société carbone et compagnie, se soit jamais spontanément transformée en masse organique… Quand on se souvient de quelle façon regrettable, justement dans ces dernières années, ont échoué toutes les tentatives pour trouver une place à la génération spontanée parmi les formes les plus élémentaires du passage du règne inorganique au règne organique, il doit sembler périlleux d’exiger qu’une théorie si mal élucidée serve de base à toutes les conceptions humaines sur la vie. » Écoutons-le ensuite sur la descendance de l’homme : « On n’a jamais encore trouvé un crâne fossile de singe ou d’homme singe qui ait appartenu à un homme quelconque… A nous en tenir aux faits positifs, nous devons reconnaître qu’il subsiste toujours une ligne de démarcation nettement tranchée entre l’homme et le singe. Nous ne pouvons pas enseigner, nous ne pouvons pas considérer comme un fait acquis à la science que l’homme descende du singe ou de tout autre animal.[1]. » L’école transformiste récusera-t-elle un tel témoignage ?

Maintenant l’école vitaliste est-elle en droit de conclure du

  1. Revue des cours scientifiques du 8 décembre 1877.