Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/867

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les assemblées de paix se tiennent chaque mois au chef-lieu de district, elles durent d’ordinaire deux ou trois jours. La loi n’exige pas la présence de tous les juges à chaque session, mais seulement de trois d’entre eux dont l’un est élu président. Le magistrat dont les décisions ou les actes sont attaqués ne peut prendre part au règlement des affaires qui le concernent. Les assises de paix sont publiques, et devant elles peuvent recommencer les débats et les plaidoiries. Près de chacune de ces assemblées est placé un procureur chargé de représenter la loi et la science juridique. Comme dans nos tribunaux, le procureur nommé par le gouvernement présente ses conclurions sur les affaires criminelles et sur certaines affaires civiles. Les assises de paix servent de cour de cassation aussi bien que de cour d’appel, elles peuvent casser les sentences des juges pour incompétence, aussi bien que pour violation des formes et règles prescrites. Dans ce cas, elles renvoient l’affaire devant un autre juge, qu’elles désignent. Quant aux décisions rendues en appel par les assises de paix, on ne peut les attaquer qu’en cassation devant le sénat, et si la cour suprême casse la décision d’une assemblée de paix, l’affaire retourne devant l’assemblée d’un district voisin.

L’on ne pouvait inventer une cour d’appel plus à la portée des particuliers et moins dispendieuse pour l’état. Pourtant, si ingénieux qu’il semble, ce système n’est pas à l’abri de toute critique ; beaucoup de personnes ne croient pas à sa durée. Qu’est-ce, dit-on, que ce mode de contrôle mutuel qui à chaque juge donne pour juges ses collègues du voisinage ? Peut-on compter sur la sévérité ou l’impartialité d’un tribunal dont les membres se trouvent tour à tour mis en cause et passent alternativement du siège du juge sur le banc du prévenu ou du plaideur ? Comment de tels magistrats n’auraient-ils pas une indulgence réciproque, une facilité à se passer mutuellement les affaires et à se ménager eux-mêmes en ménageant leurs collègues ? Une cour d’appel ainsi composée des juges de première instance aura toujours quelque faiblesse pour les décisions du premier juge.

Il est vrai que dans ces assemblées peuvent entrer les juges de paix honoraires qui, n’étant pas d’habitude juges en première instance, ne doivent avoir ni les mêmes appréhensions ni les mêmes complaisances que leurs collègues. L’institution des juges honoraires aurait ainsi une véritable utilité pratique. En fait les hommes revêtus de ce titre usent trop rarement de leur droit de siéger dans les assemblées de paix pour y exercer une grande influence.

Le peu de connaissances juridiques de la plupart des magistrats